Interview. Colombe Kikudi : « Connaître sa mission tôt est une bénédiction pour la société »Vendredi 10 Mai 2024 - 22:15 Miss Brazza 2018, Colombe Kikudi n’est pas que belle avec une taille fine. Elle est aussi très sensible à l'éducation et le bien-être de la jeune fille. C'est dans cet élan qu'elle a créé en 2019 l'association Emancipation de la jeune fille (Edjf) et peu de temps après le collectif Sisterhood. À travers ces deux plateformes, Colombe, 24 ans, milite pour les droits et l'intégration des filles africaines, particulièrement congolaises, dans la société. Entretien.
Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Parlez-nous avant tout de votre parcours scolaire et succinctement de votre vie professionnelle. Colombe Kikudi (C.K.) : J'ai un baccalauréat technique, série G2. Après mon bac, ça a été assez compliqué pour moi de trouver une filière qui me plaise. J'avais l'impression que ce que je faisais à l'école ne correspondait pas forcément à la vision que j'avais de la vie, ni de qui j'aspirais devenir. Du coup, j'ai pris une année sabbatique après mon bac dans l'objectif de réfléchir et aussi de trouver ce que j'allais faire. J'ai essayé de faire le droit, la gestion etc. Mais, je ne me sentais pas vraiment à ma place. J'ai donc arrêté tout de suite pour me trouver un emploi. Du coup, depuis trois ans je travaille comme assistante de direction et manager talent dans une agence de communication et de marketing d'influence à savoir S2J agency. Ça me plaît énormément car je me sens à ma place et j’apprécie d’être en contact avec des gens mais aussi ça m'a aidé à comprendre et à connaître davantage le milieu de l'influence au Congo. On a l'impression qu'il n'y a pas d'influenceurs au Congo ce qui est totalement faux. On a des créateurs de contenu incroyables, on a des artistes et influenceurs aussi. Il y a beaucoup de talents dans notre pays qu'on n'arrive pas forcément à déceler ou du moins on n'arrive pas à leur donner la place qui leur revient de droit et dans notre agence, on croit que la jeunesse congolaise a vraiment le potentiel d'être des influenceurs nationaux comme à l'international. L.D.B.C. : Quelle est donc votre perception du concept "influenceur" qui a longtemps fait débat dans la société ? C.K. : En termes d'influence, je pense qu'on a tous une responsabilité et un rôle à jouer dans la vie et en être conscient est une bénédiction, en être conscient tôt c'est quelque chose d'important. Pour mon cas, je ne me considère pas comme influenceuse, mais très vite j'ai compris que ma mission se trouvait dans l'accompagnement des plus vulnérables et aussi j'ai compris que ma voix pouvait changer quelque chose et qu'avec elle, je pouvais apporter de l'aide à d'autres personnes. La jeune fille africaine est capable de faire de grandes choses, on a vraiment le potentiel, on a des talents et malheureusement les discriminations dont nous sommes victimes nous empêchent parfois d'accéder à certaines opportunités. L.D.B.C. : Est-ce cette philosophie de vie qui vous a conduit à fonder l'association Edjf? C.K. : Ce qui m'a vraiment poussé à fonder l’association Edjf c'est juste cette envie de jouer mon rôle. Je veux juste apporter ma pierre à l'édifice parce que je sais que je ne pourrais pas tout changer toute seule mais à mon stade je peux changer quelque chose et si c'est juste changer une petite chose au moins j'aurais fait ma part et donc c'est vraiment cette envie d'aider d'autres personnes à vivre leur vie pleinement, à faire respecter nos droits et faire entendre notre voix tout simplement. Le collectif Sisterhood est une branche de l'association que nous avons lancée en 2020 en France dans l'objectif de créer une chaîne de solidarité féminine à travers le monde pour justement aider et accompagner les filles en Afrique, particulièrement au Congo. L.D.B.C. : Comment se déroule l'aventure depuis sa création ? C.K. : Pour ce projet, j'ai eu la grâce d'être entourée de personnes qui partageaient ma vision. En premier, ma mère qui elle même aussi a une association " Motivation petite enfance au Congo". Par la suite, mes amis proches qui ont tout de suite rejoint l'association. Mais aussi d'autres personnes qui sont venues bien après. Nous évoluons avec des fonds propres qui sont le résultat des cotisations des membres. Concernant nos activités, nous faisons des descentes dans des écoles, on organise des conférences, des ateliers d'échanges avec les jeunes filles parce qu'on ne peut pas comprendre quelqu'un si on ne prend pas la peine de l'écouter. Nous avons aussi mis en place un village éducatif qui se trouve dans le district de Louingui, au village de Ngamibakou et qui aura un internat pour les enfants parce que notre objectif est de recevoir des enfants de cette localité, orphelins ou non, qui ont besoin de grandir dans un cadre plus sain et de s'éduquer. Et il y aura aussi la maison de la jeune fille pour écouter toutes les filles en difficulté. On organise aussi des sessions en ligne ou des pic-nic pour échanger sur de thématiques précises. Pour nos activités, nous ciblons les filles de 12 à 18 ans. En bref, voilà ce que je peux dire de notre aventure à travers Edjf. L.D.B.C. : Qu'avez-vous prévu pour cette année ? C.K. : Cette année le thème général de l'association est " Nos voix comptent" avec un accent sur la sensibilisation aux agressions sexuelles et l'accompagnement des victimes. En réalité chaque année, on s'arrange d'avoir un thème à aborder lors des sessions et différents événements organisés. Cette année, on insistera sur la notion de consentement que malheureusement plusieurs ignorent afin d'éveiller les consciences et délier les langues. L'impact des agressions sexuelles est immense et il faut que les victimes soient conscientes de leur part de responsabilité mais aussi celle de leurs bourreaux. L.D.B.C. : Pour terminer, quel bilan faites-vous de votre association ? C.K. : On n'est pas encore là où on devrait être, mais on n'est pas non plus là où on était à la création de l'association. Le bilan c'est qu'il faut travailler encore et encore et encore, sensibiliser mais surtout poser des actes concrets. La jeunesse a besoin d'être accompagnée et je pense qu'on doit arrêter de faire semblant de ne pas entendre ce cri d'alerte comme si le jeune du coin qui demande de l'argent est fou ou la jeune fille qui se prostitue est folle et que le problème vient forcément d'eux. Nous devant tous nous sentir responsables et comprendre que nous avons une part de responsabilité dans ce jeune délinquant, dans cette jeune fille qui se prostitue ou cette jeune fille mère. C’est pourquoi nous continuerons notre aide selon nos moyens. Propos recueillis par Merveille Jessica Atipo Légendes et crédits photo :Colombe Kikudi, présidente-fondatrice de l’association Émancipation de la jeune fille/DR Notification:Non |