Lutte contre le paludisme: bilan mitigé des moustiquaires imprégnées en AfriqueVendredi 7 Février 2025 - 8:30 Depuis 2004, plus de 2,79 milliards de moustiquaires imprégnées ont déjà été distribuées en Afrique subsaharienne, indique l’Alliance pour la prévention du paludisme. Cependant, ce vaste déploiement n'a pas permis de réduire significativement le paludisme dans la région. Pendant deux décennies, la recommandation de la lutte contre le paludisme en Afrique subsaharienne a été de favoriser l’utilisation des moustiquaires imprégnées, avec le soutien la communauté scientifique. Le rapport 2024 de l’Organisation mondiale de la santé est clair : les progrès sont mitigés entre 2000 et 2023. « L’incidence de la maladie a chuté, passant de 356 en 2000 à 227 en 2023. Bien que les taux d’incidence aient très peu évolué entre 2019 et 2023, le nombre total de cas a augmenté, conséquence d’une croissance démographique rapide parmi la population exposée au risque de paludisme », peut-on lire dans le document. Les progrès sont également variables. Par exemple, « huit pays ont enregistré de très fortes hausses de leur nombre de cas de paludisme » entre 2019 et 2023. Éthiopie (+6,9 millions), Nigeria (+6,8 millions), Madagascar (+4,2 millions), Tanzanie (+1,9 million), République démocratique du Congo (+1,8 million), Ouganda (+1,3 million), Mali (+1,4 million), et Cameroun (+1,2 million)). Ces pays sont pourtant ceux où des distributions massives de moustiquaires imprégnées ont eu lieu. Sur la base d’un ratio simple, ce sont au moins 2,3 moustiquaires imprégnées qui ont été distribuées pour chaque habitant en Afrique subsaharienne. Pourtant, en 2023, 569 000 personnes sont décédées du paludisme dans la région, sur plus de 246 millions de cas recensés. Les enfants de moins de 5 ans représentent 76 % des décès. Ces chiffres ne mentionnent pas les pertes économiques. Bien que la gravité de la maladie soit similaire indépendamment des nationalités, le coût du traitement varie selon les pays et les niveaux de vie. Une étude publiée en novembre 2024 a estimé le coût moyen de traitement par patient à 90 dollars, qu’il ait survécu ou non. Sur cette base, on peut évaluer que le paludisme aura coûté plus de 22 milliards de dollars aux ménages africains en 2023, malgré la présence de moustiquaires imprégnées. A cette inefficience statistique des moustiquaires imprégnés, s’ajoute un problème environnemental qui n’est pas toujours documenté. Peu de travaux sont disponibles sur les effets secondaires des produits chimiques utilisés pour neutraliser les moustiques. En effet, les moustiquaires devenues inutilisables car déchirées ou sales ne bénéficient pas d’une gestion appropriée. Dans certains pays, les ménages les reconvertissent en filets de pêche ou en outils de protection des champs. Dans les deux cas, des risques de contamination des cultures ou des ressources aquatiques existent, mais cette question n’est pas publiquement discutée. Bien que l’utilisation du Butoxyde de Pipéronyle soit réglementée, certaines études scientifiques devraient susciter des inquiétudes, notamment en raison des effets potentiels de ce produit sur la faune des rivières et autres écosystèmes aquatiques. D’autres approches existent pourtant pour faire reculer le paludisme en Afrique. Dans des pays comme le Rwanda ou le Botswana, on observe une réelle diminution de la maladie. Il est possible que des politiques axées sur la promotion d’environnements propres et peu favorables au développement des moustiques aient joué un rôle important. Sur le plan scientifique, des chercheurs africains basés en Côte d’Ivoire travaillent sur une moustiquaire classique, sans produit chimique, mais conçue pour capturer les moustiques et permettre leur élimination par lavage. Ces recherches étant en cours, leurs détails restent pour l'instant confidentiels. Noël Ndong Notification:Non |