Littérature : « Je suis noir de monde », recueil de poèmes de Chrystom

Vendredi 14 Février 2025 - 12:31

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La poésie contemporaine fait émerger de nouvelles voix qui restent largement méconnues du grand public. Chrystom, poète et écrivain congolais, en fait partie et son dernier recueil de poèmes,"Je suis noir de monde", en dit long sur sa perception de la poésie, son violon d'Ingres, son langage pour donner vie à ce qu'il ressent, redoute, espère.

Dynamique et bien vivante, la poésie de Chrystom porte haut les couleurs de « cette voie royale de l'expression de l'imaginaire ». " Je suis noir de monde" est une ode à la vie, ponctuée de plusieurs thèmes: amour, guerre, résignation, fraternité, nature...Divisée en deux grandes parties, elle commence par un hommage à l'illustre poète français, Michel Baglin, décédé suite à un cancer il y a peu de temps. Un poète altruiste, attaché à la fraternité, une fraternité universelle." Coupe du monde" ouvre ainsi le bal. "...Voici ta coupe de champion d'Amour! Toi très frère en fraternité universelle (...) Tu es le miroir dans lequel je me juge, je m’analyse, je me pense, je me vois égal à toi. Et toi égal à moi-même," peut-on lire à la page 21.

Juste après cet hommage, l'auteur fait un autre clin d'œil a au célébrissime poète en lui empruntant le titre extrait d'une phrase "A la fin tu es las de ce monde ancien", dans "Alcools «de Guillaume Apollinaire.  Cette première partie s'ouvre avec "Étoiles filantes » qui met en avant les affres de la guerre moderne; laquelle s'illustre à travers une ville fantôme. "Des corps urinant tout leur sang. Corps circoncis par le tranchant de l’acier au milieu d’une terrifiante journée excisée. (...). La mort est dans les rues: elle a quitté les vieux champs de bataille pour élire domicile en ville. Elle trône sur les quais de gare et de port et d'aéroport. N'est pas dans la sombre optique sienne de faire de la ville un vaste cimetière urbain," décrit le poète à la page 24

Un poème qui ramène le lecteur quelques années en arrière même si le thème abordé, la mort, n'est pas traité dans le même contexte. Il s'agit du " Dormeur du Val" d’Arthur Rimbaud qui conte l'histoire d'un vaillant héros mort au front." Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort: il est étendu dans l'herbe sous la nue, Pâle dans son lit vert ou la lu lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort, Souriant comme souriait un enfant malade, il fait une somme. Nature bec-le chaudement : il a froid ".

Dans les deux extraits, les poètes contrastent entre douceur des lieux et la chute glaçante qui révèle un contexte macabre. Avec subtilité, Chrystom fait une transition avec "Abeilles", un poème plein d'espoir, espoir pour le renouveau." Dansons avec les abeilles ainsi que danse le palais au contact de leur succulente production légendaire..." Dans ce même ordre, Confessions (page 28) est une ode à la vie, puisque le poète intime à l'humain à prendre la vie comme un présent " Ne vas pas te flinguer, toi qui savais t'aimer toi-même autant que tu aimes ton prochain d'ici et de partout. Regarde- toi à l'endroit. Tu ne flancheras pas, tu ne tituberas pas."

A la page 30, "Défi K" est un long poème composé de l'alphabet français où le poète explique des mots ordinaires à sa convenance. Ainsi, de la page 30 à la page 37, il explique des mots selon l'ordre de l’alphabet avec des termes qu'il choisit à dessein. Et comme un cycle, la mort et la vie sont abordées de façon successive tel dans « Réinvention des hécatombes", un texte apocalyptique avec cet extrait: "L'effroyable fatalité tragique passe à la vitesse supérieure. Les vautours enguirlanderont le ciel à l'affut des viandes gisantes. La vie prend soudainement et négativement un virage rageur a cent quatre-vingt degrés" (Page 56- 66) est suivi par "Fleuve faune flore » (page 67) où l'auteur entame une nouvelle étape: la reviviscence. " C'est la cathédrale des iguanes ainsi que les lézards qui paressent au soleil. Parfois s'érigent à perte de vue des dunes sculptées à la perfection par un vent artiste" (pages 67- 74.)

Ainsi " Je suis las de ce monde ancien" (pages 75 - 86) met fin à ce cycle que le poète aborde tout au long de ce voyage. Entre dépit et résignation, tout doucement, il nous conduit vers un monde nouveau avec des titres comme "Meuble", "Ville", "Il était une fois", Un nid", "La terre", "Ma maison" (De la page 87 à 96). Et pour clore ce périple, il chute avec le titre du recueil, "Je suis noir de monde", page 123, où il parle de l'universalité avec " Une cuisine du monde". Comme pour nous rappeler la mondialité de son message en passant par l'art culinaire. " Une cuisine mondiale d'où s'échappent des fumets délectables. Les mets en sortent tout délicieux. Un peuple de saveurs multipliées par un concert de condiments (...). Feuilles de manioc fermentées prennent la relève, courgettes farcies, timbale de brocolis, asperges aux truffes, aubergines panées, beignets aux fleurs de courgettes et soufflets de carottes."

On passe un agréable moment de lecture à explorer des richesses de trésor poétique. Bref, un four tout mondial pour sublimer la vie, le monde, l'homme noir, blanc, rouge, jaune.

Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

La couverture du livre/ DR

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