Europe : la démocratie oui mais...pas trop !Mardi 13 Janvier 2015 - 14:00 Les grecs sont appelés aux urnes le 25 janvier prochain pour une élection législative à haut risque. Les partenaires européens, Allemagne et France en tête, n’excluent pas de faire sortir la Grèce de l’euro (Grexit) en cas de victoire du parti d’extrême gauche Syriza, d’Alexis Tsipras, favori du scrutin, dont ils redoutent l’arrivée au pouvoir. L’ensemble des bourses européennes a dévissé en début d’année face à des craintes de scénario de sortie de la Grèce de la zone euro et de réactions en chaîne, en cas de victoire du parti Syriza, d’Alexis Tsipras. Bien que ce dernier ne prône plus l’abandon de l’euro et le retour à la drachme (ancienne monnaie nationale), la chancelière allemande est la plus menaçante, redoutant la mise en œuvre d’une politique de relâchement des mesures d’austérité économique, voire une annulation partielle de la dette grecque. En effet, le pays menacé de faillite en 2010 puis en 2012, suite à la crise financière dite des sub-primes, n’a dû son salut qu’à d’importants emprunts contractés auprès de ses partenaires européens, l’Allemagne en tête. Au fil des différents plans de sauvetage, la Grèce a cumulé 317 milliards d'euros de dettes, détenus essentiellement par les États européens et la Banque centrale européenne. La dette souveraine grecque, représente actuellement 174,1% du produit intérieur brut (PIB) national. De l’argent prêté lui-même emprunté par les État européens sur les marchés, l’ensemble du vieux continent étant frappé par la récession. L’Union européenne a exigé en contrepartie de la Grèce d’importantes mesures d’austérité, semblables aux « purges » imposées par le FMI aux États africains dans les années 1990, avec des conséquences sociales négatives très fortes : 25,5% des grecs sont au chômage dont 75% de chômeurs longue durée, 23,8% vivent en dessous du seuil de pauvreté, 1,5 million sont exclus du système de santé, les emplois dans la fonction publique sont passés de 900.000 en 2009 à 670.000 en 2014, les salaires se sont réduits comme une peau de chagrin... Une potion amère qui a favorisé la montée des extrêmes politiques de droite, Aube dorée, comme de gauche, Syriza, au sein de l’électorat grec. La politique sociale prônée par Syriza séduit la population grecque exsangue. Las, c'est sans compter les inflexibles diktats européens. Bien que l’économie grecque soit repartie, les tensions entre l’État hellène et ses créanciers se maintiennent. Ce pays a pourtant obtenu au dernier trimestre 2014 la croissance la plus forte de la zone euro à 0,7%, le chômage commence à régresser et la Grèce a dégagé pour la première fois un excédent budgétaire hors charge de la dette. Le célèbre investisseur américain George Soros, dont les spéculations sur les marchés à travers son fond d’investissement auraient contribué à déclencher la crise grecque, a plaidé dans la presse allemande en faveur d’une annulation de la dette de ce pays, estimant qu’il ne serait jamais en mesure de rembourser. Et ce, à condition que l’État grec continue à respecter les orientations en matière de politique économique fixées par la troïka de bailleurs (FMI, Banque centrale européenne et commission européenne). Devant le risque de desintégration de l'Eurozone que ferait courir un "Grexit", en 2012, ce sont les partenaires européens qui ont tenu à l'éviter, bien que le scénario d’une « sortie ordonnée » de ce pays ait été fortement évoqué au mois de mai, y compris par Christine Lagarde, patronne du FMI. Le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, nouveau président de la commission européenne, alors président de l’Eurogroupe (qui réunit les ministres de Finances de l’UE) avait déclaré : «[Une sortie de la Grèce] serait gérable mais cela ne veut pas dire qu’elle est souhaitable, parce qu’il y aurait beaucoup de risques associés pour la population en Grèce». Le scénario du pire avait été évité avec la victoire aux élections législatives de juin 2012, d’une majorité conservatrice « pro-Europe et pro-austérité » jugée acceptable par l’Allemagne, dirigeante de fait de la politique monétaire et budgétaire européenne. Cependant, les perturbations autour de la Grèce ont fait ressurgir les lignes de fracture entre européens, certains reprochant aux allemands leur intransigeante orthodoxie financière qui prive les gouvernements de la plupart de leur marges de manœuvres économiques, pourtant cruciales en temps de crise. Outre les politiques d’austérité, la troïka de bailleurs avait imposé des mesures visant à améliorer la gouvernance financière du pays et à mettre fin à la fraude fiscale, au clientélisme, au népotisme ainsi qu’à la corruption endémique qui ont miné l’économie grecque et englouti les plus de 240 milliards d’euros d’aides européennes reçus par le pays depuis son adhésion à la Communauté européenne en 1981 (4% du PIB grec chaque année en moyenne jusqu’en 2005). Les tensions autour des élections grecques illustrent la rupture de plus en plus profonde entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. La première, plus riche économiquement a longtemps financé le développement de la seconde, avant de devoir les sauver de la faillite après 2008 lorsque ces économies ont essuyé de plein fouet la crise financière. Mais la tolérance n’est plus aujourd’hui de mise alors que toutes les économies européennes, touchées par le ralentissement, doivent se serrer la ceinture. Le bol d’air que constitue pour les États de la zone Euro, importateurs nets de pétrole, la chute des cours du baril avec des perspectives de croissance pour tous, viendra peut être réconcilier les partenaires. Rose-Marie Bouboutou |