Flux migratoire: l’Union Européenne se décharge sur la TurquieMardi 8 Mars 2016 - 16:34 Moyennant finances, la Turquie se chargerait de faire le tri entre vrais et faux réfugiés ; l’Italie pas tout à fait d’accord « Un chantage inacceptable ! ». Au sein de la classe politique italienne, nombreux étaient ceux qui, mardi matin, jugeaient inappropriée la « solution boiteuse » dont a accouché le sommet réuni par l’Union Européenne, la veille à Bruxelles, sur la manière de stopper les flux migratoires. Vice-président du Sénat italien pour les Affaires étrangères, le centriste Pierferdinando Casino a résumé le sentiment de beaucoup. Charger la Turquie de faire, en quelque sorte, le sale boulot en matière de migration est tout sauf une solution moralement et politiquement viable. D’autant que la Turquie assortit son acception non seulement d’une augmentation de la facture (non plus 3 mais 6 milliards d’euros), mais aussi de l’exigence d’octroi de visas gratuits d’entrée de ses ressortissants dans l’Union Européenne. Et, surtout, de l’accélération de la procédure de sa propre entrée au sein de cette organisation continentale où beaucoup ne sont pas franchement disposée à lui faire un peu de place. Pour Pierferdinando Casini, l’Italie s’est toujours montrée favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. « Sous les différents gouvernements : de Berlusconi, de Romano Prodi, de Mario Monti, Enrico Letta…l’Italie est restée constante sur cette position », a rappelé le centriste-chrétien italien. Mais Ankara doit respecter les valeurs promues par l’Union européenne et qui sont son identité reconnue : démocratie, liberté de presse, égalité entre hommes et femmes, respect des droits des minorités etc… Peu ou prou, les pays européens se rejoignent sur cette ligne d’analyse, même quand ils ne font pas preuve d’une opposition aussi ferme contre l’entrée de la Turquie dans l’UE. À Bruxelles, après une rencontre avec le Premier ministre Ahmet Davutoglu, le Premier ministre italien Matteo Renzi a prévenu qu'il n'accepterait de signer un nouvel accord sur les migrants (sur la base du plan proposé par la Turquie) qu'à la condition expresse du respect de la liberté de la presse, spécifiquement mentionné dans le texte à approuver. Et donc accepté par Ankara. Dans l’esprit de tous, reste présente la gêne suscitée par « la mise au pas » du quotidien turc à gros tirage Zaman, contraint d’aligner son contenu sur les thèses officielles après des accusations de diffamation contre la personne du chef de l’Etat turc et de son gouvernement. « La mesure n’est pas politique mais judiciaire », a affirmé le Premier ministre Davutoglu. Mais la répression de la presse, en plus de la guerre contre des organisations kurdes jugées terroristes expliquent que la surprise ait été totale, lundi à Bruxelles, quand la Turquie a présenté aux Européens un plan de sortie de crise. Les propositions turques consistent en l’acceptation par Ankara de faire le tri entre les migrants syriens ayant droit à une demande d’asile en Europe et le rapatriement de tous ceux qui ne répondraient pas à ce critère, « les migrants économiques ». Les uns et les autres mélangés s’entassent dans des camps en Turquie et s’en échappent à la première occasion pour chercher à l’Europe, par la Turquie, l’Italie ou les Balkans. Selon ce plan, les Européens reprendraient dans l'UE un réfugié venant de Turquie, par des voies légales et organisées, pour chaque réfugié reconduit en Turquie. En plus de l’Italie qui a posé la condition de la liberté de presse, d’autres dirigeants européens se sont dits opposés à un tel « marchandage ». Le Premier ministre hongrois Viktor Orban y a même opposé son « véto » ferme. Un diplomate a commenté: « Cela pose énormément de questions: juridiques, mais aussi de logique. Pourquoi renvoyer des Syriens en Turquie pour les reprendre ensuite? ». Dans l’impossibilité de s’accorder sur un « non » franc ou un « oui » unanime, les 28 pays membres de l’Union européenne réunis à Bruxelles lundi se sont donné dix jours pour réfléchir au plan turc et se prononcer. La France qui, sous M. Nicolas Sarkozy, s’était opposée à l’admission de la Turquie dans l’Union européenne, semble avoir évolué. M. François Hollande a jugé le plan d’Ankara de positif. C’est, a dit le président français, « un acte très important de réadmettre les réfugiés et les migrants qui ont quitté de façon irrégulière la Turquie vers la Grèce ». La patate chaude n’a pas fini de passer de main en main et les migrants de continuer à mourir en Méditerranée ou en Mer Egée sur fond de négociations sans fin. Lucien Mpama Notification:Non |