Couleurs chez nous: Initiation de l’enfance ?

Vendredi 28 Septembre 2018 - 19:55

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

La morale actuelle, largement partagée, consiste à préparer les enfants à leurs responsabilités futures. Cette vision conduit chaque pays à prendre des dispositions. En France, par exemple, les enfants doivent désormais recevoir des cours sur la sexualité. A l’école ! L’initiative soulève la polémique.

Au Congo, un phénomène prend de l’ampleur sous nos yeux : le commerce par les enfants. Les moins de 15 ans ont en envahi les artères de Brazzaville et autres villes du pays pour proposer aux passagers divers produits. Timide hier, discret il y a quelques années, ce phénomène s’est intensifié sans interpeller les pouvoirs publics sur les risques qu’il fait courir aux enfants.

Les personnes sensées qui y voient un danger pour ces « cadres de demain » sont vite remises à leur place par les parents de ces enfants vendeurs ambulants ou par des passants mal inspirés. Deux arguments sont brandis : « il s’agit de les initier au commerce afin qu’ils comprennent  que la vie se gagne à la sueur de son front » ou « s’il ne vend pas, comment fera-t-il pour vivre ? ». Parfois la réponse est méchante : « C’est toi qui vas le nourrir ? »

Malgré cette troisième salve, un peu méchante, les premiers propos sont frappés de forte légitimité au regard du contexte du pays. Mais la crise, si c’est elle, doit-elle pousser au laisser-aller et nous faire perdre nos valeurs ? Car cette recherche d’argent conduit parents et enfants concernés à des activités peu orthodoxes.

Que dire de cet enfant de 12 ans environ à qui les parents ont confié la charge de la vente de boissons un soir ? Cette fillette qui se pointe devant des adultes pour leur demander leurs goûts, prendre l’argent, leur ramener des bouteilles de bière, la monnaie, etc. Pour reprendre un questionnement que nous nous partagions les jours passés : « Où allons-nous ? »

Dans l’échange d’arguments, certains adultes ont rappelé leur enfance dans nos contrées. Ici et là, en effet, c’est très tôt que des parents initiaient leurs progénitures à la pêche, à la chasse, à l’élevage, à l’agriculture, à la menuiserie, à la peinture et à bien d’autres métiers. Cependant, en y regardant bien, les enjeux étaient différents en termes de risques.

Dans le contexte des villes bouillonnantes, avec un mélange de cultures et de réalités, initier les enfants au commerce de rue traduit l’irresponsabilité et la démission. Celles des parents et des pouvoirs publics. Comment ces enfants, habitués à toucher à l’argent, vont-ils se concentrer sur leurs études durant la période scolaire qui s’ouvre ? D’autant plus que ce commerce se fait de jour et de nuit. Imagine-t-on un gamin ou une gamine, épuisé par les cours la journée, repartir sur le trottoir pour y vendre le manioc le soir ?

Bien plus encore : certains enfants, de l’âge indiqué plus haut, parcourent seuls ces distances qui séparent leurs domiciles du petit marché. A l’ère de l’insécurité décriée, cette « responsabilisation » doit être dénoncée même s’il s’agit d’une initiation à la vie. Car cette glissade conduira assurément de petites filles à servir de tenancières dans les auberges et bordels. Telle est pourtant la triste réalité congolaise. Hélas !

Van Francis Ntaloubi

Notification: 

Non