Couleurs de chez nous : anti-complexe

Samedi 30 Décembre 2017 - 12:15

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Je me demande si le mot comme tel existe dans la langue française. En attendant de passer en revue les dictionnaires les mieux côtés, je sais que les Congolais se retrouvent. Interrogez chacun d’eux, de Mvouti à Bétou, il vous dira qu’il s’agit du téléphone portable le plus simple, le moins cher mais le plus durable résistant aux chocs.

Unanimement, le peuple de ce pays a fait chorus autour de ce modèle de téléphone portable. Les partisans disent prévenir toutes les critiques venant des exhibitionnistes qui, avec leurs Smartphones, tiennent la dragée haute aux autres.

Mais là s’arrête l’attitude « anti-complexe ». Car, dans d’autres domaines de la vie, le Congolais,  enclin au complexe, refuse souvent d’assumer sa condition. Une femme célibataire mentirait sans sourciller qu’elle est mariée ; un chômeur crierait à qui veut l’entendre qu’il est fonctionnaire ou employé dans telle ou telle autre entreprise ; un élève de terminale, frappé par l’âge, passerait pour un étudiant ; un sous-officier de l’armée revendiquerait des étoiles qu’il n’a pas sur ses épaules, etc.

On constatera ce complexe au niveau de la communication sociale parce que parler le français ennoblit son locuteur, chacun y va avec ses manières et ceux qui, pour diverses raisons, avaient brisé leurs stylos et déchiré leurs cahiers et ouvrages se découvrent, sur le tard, une passion pour la langue de Molière.

Sans complexe, ils alignent des phrases et des mots avec le risque ignoré d’étaler leur misère intellectuelle. « S'amuse-toi bien bébé ! », lança une femme à son fils. Simplement parce que son ouïe lui ayant  toujours ramené le verbe « Samuser», en un mot plutôt que « S’amuser ». Et plus complexe encore pour cette dame ainsi que celles et ceux de son engeance est la formulation du mode impératif pour des verbes pronominaux.

Et que dire de cet autre « discoureur » (celui qui fait des discours) qui s’écria « C’est insérieux ! » ? En effet, dans une démarche  déductive, il avait cru que si « discipliné et conscient » pouvaient varier et devenir « indiscipliné et inconscient », pourquoi pas « sérieux ».

A travers ces couleurs hilarantes se dégage un fait : ce complexe qui nous fait fuir notre condition pour rêver ce que nous ne sommes pas. Dans la mesure où le français est une langue élitiste, pourquoi ne se concentreraient-ils pas sur le lingala ou le kituba, les deux langues nationales ?

Conséquence : chez nous, chaque parent veut parler le français avec son enfant quand bien même sa scolarité se serait arrêtée là où elle a débuté. En d’autres termes, ce parent qui fait dans le complexe transmet son alphabétisme à son enfant brouillant ainsi les notions que ce dernier acquiert à l’école.   

Une opération de destruction du patrimoine linguistique. Le français notamment. Ou peut-être pas, car, même le lingala est de plus en plus victime. Tendez l’oreille  et vous entendrez : « ko kutama » (se rencontrer) au lieu de « Ko kutana ».  Où es-tu Molière ? Où es-tu « pomba » Laurent Botséké ?

Van Francis Ntaloubi

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