Interview. Tony Cassius Bolamba: "Le débat autour du changement constitutionnel ne peut pas être à l'ordre du jour"

Mercredi 20 Novembre 2024 - 8:30

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Ancien gouverneur de la province de l'Equateur et candidat à la présidentielle de 2023, Tony Cassius Bolamba décrypte, dans un entretien avec Le Courrier de Kinshasa, l'actualité politique de l'heure. Il survole les différents sujets d'intérêt commun en alimentant notamment le débat sur la révision de la Constitution de ses riches réflexions.

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.): Le débat politique actuel se cristallise autour de l'opportunité ou non de modifier la loi fondamentale. Une telle polémique a-t-elle tout son sens dans le contexte sociopolitique de l'heure ?

Tony Cassius Bolamba (T.C.B.) : Le 14 avril 2014, soit il y a dix ans, onze mois et cinq jours, votre journal m'avait interrogé sur ce même sujet alors que la majorité présidentielle de l'époque était dans la même démarche. Je ne suis pas un homme de position mais de principe. Par principe, je vous répondrai tel que je vous ai répondu il y a dix ans. Pourquoi devrait-on débattre d’une telle question puisque la Constitution, elle-même, dans son article 218, a réglé clairement la procédure de sa propre révision? Si le camp présidentiel veut la modifier en misant notamment sur sa majorité numérique au Parlement, j’estime qu’il est en droit de le faire, surtout si la démarche passe par des voies et moyens légaux. C’est à l’opposition de s’organiser pour empêcher cela démocratiquement et se préparer pour affronter le candidat président de la République qui sera issu de la majorité.

L.C.K.: Donc, c'est un vrai-faux débat ?

T.C.B.: Je pense que débattre autour du changement constitutionnel ne peut être à l’ordre du jour. Que mes amis de l'opposition se focalisent plutôt sur des débats essentiels portant notamment sur la situation sécuritaire du pays, la santé, le vouloir vivre ensemble, le rétablissement de la paix et des bonnes relations avec nos voisins, la santé des Congolais et leur quotidien, la dette intérieure des PME, le chômage, etc. Autant de matières qui devraient préoccuper la classe politique congolaise par ces temps de basse conjoncture.

 L.C.K.: Mais, l'opposition perçoit dans cette démarche des velléités de glissement dans le chef du président Félix Tshisekedi qui chercherait à rempiler pour un troisième mandat...

T.C.B. : Le président de la République a été clair sur ce point. Il a dit qu'il ne cherche pas à réviser la Constitution pour rester éternellement au pouvoir. Dans une interview qui m'a été accordée en décembre 2014, alors que tout le monde accusait l'ancien président Joseph Kabila de vouloir briguer un troisième mandat, j'avais rappelé ses propos de juin 2007 tenus dans "Jeune Afrique", dans lesquels il avait déclaré qu'il n'allait pas briguer un troisième mandat. Alors, pourquoi faire un procès d'intention contre le président Tshisekedi ? C'est malhonnête !

L.C.K.:  Le weekend dernier, le chef de l'Etat a affirmé sur un ton martial sa détermination à réviser ou à changer la Constitution. Comment réagissez-vous à cette intervention ?

T.C.B. : L'article 218 lui confère ce droit et ce pouvoir qui, à mon sens, est tout à fait légitime !

L.C.K: Quelles sont, d'après-vous, les dispositions qui méritent d'être revisitées ?

T.C.B : Plusieurs articles doivent être revus comme les articles 10 sur l'exclusivité de la nationalité congolaise et 75 sur la vacance au sommet de l'État. Là-dessus, il faudrait que l'intérim soit assuré par le plus âgé de l'Assemblée nationale. Il y a aussi l'article 90 sur le gouvernement qui, dorénavant, devra fonctionner sans un Premier ministre. D'autres articles tels que 91 sont censés être revisités pour donner au seul président de la République le droit de définir la politique de la nation devant les élus. L'article 211 sur la Commission électorale nationale indépendante doit faire aussi l'objet d'amendements, notamment sur le rétablissement de deux tours de la présidentielle. Je plaide, par ailleurs, pour la suppression du Sénat et des assemblées provinciales. Bref, plusieurs articles de cette Constitution du 18 février 2006 sont à revoir.

L.C.K.: L'article 217 continue d'être sujet à diverses interprétations, notamment sur le concept de la souveraineté. Quelle est votre lecture à ce sujet ?

T.C.B. : Que cet article ne nous effraie pas!

L.C.K.: Quelques leaders de l'opposition sont pourtant contre toute perspective de la révision constitutionnelle...

T.C.B.: L'opposition doit exister. Mais il faut qu'elle existe dans l'honnêteté !

L.C.K.: Et que dire de l'attitude de certains partis politiques affiliés à l'Union sacrée de la nation qui, visiblement, n'adhèrent pas à l'option de réviser de la Constitution ?

T.C.B. : Je suis parmi les pionniers de l'Union sacrée de la nation. Elle n'est plus, malheureusement, ce que nous avions souhaité qu'elle soit.

L.C.K.: Quel est aujourd'hui l'état de l'opposition dans le pays ? Représente-t-elle encore une alternative crédible?

T.C.B. : Moi, je suis de la contestation. Le premier parti de l'opposition, c'est Ensemble de Moïse Katumbi. Il faudrait qu'il joue pleinement son rôle ! Il faut rapidement que le statut de porte-parole de l'opposition soit mis en place !

L.C.K.: Les participants aux derniers états généraux de la justice ont, entre autres, recommandé le remplacement du Conseil supérieur de la magistrature par un Conseil supérieur de la justice. Quelle est votre opinion sur  cette proposition?  

T.C.B. : Le plus important est le respect de la séparation des pouvoirs comme mentionnée dans notre Constitution.

L.C.K.: Comment mettre fin aux détournements récurrents et autres malversations financières qui gangrènent aujourd'hui la gouvernance politique et financière en République démocratique du Congo ?

T.C.B. : Il faut des sanctions sévères. Que la justice confisque les biens des personnes qui seront condamnées et qu'elles soient inéligibles pendant un certain temps.

L.C.K.: L'épuration ethnique se poursuit à Rutshuru et à Masisi sous la férule des rebelles du M23 de plus en plus en expansion au Nord Kivu. Votre réaction ?

T.C.B. : Je fais confiance à notre gouvernement et à nos compatriotes qui ont pris les armes pour soutenir la paix ! La paix n'a pas de prix.

L.C.K. : Faut-il encore croire au processus de paix de Luanda relancé au début de l'année sous la médiation du président angolais, João Lourenҫo ?

T.C.B. : Personnellement, j'y crois toujours nonobstant ce ralentissement et la mise en application des engagements de deux côtés. Mon souhait demeure que notre président et son homologue rwandais, Paul Kagame, puissent se parler directement pour le bien de nos deux pays et de nos deux peuples respectifs qui sont condamnés à vivre ensemble ! Nous ne devons pas vivre dans une sorte de méfiance permanente, nous sommes tous Africains, c'est-à-dire, un seul peuple !

L.C.K.: Votre mot de la fin...

T.C.B. : Suite à l'escalade de conflits dans le Moyen-Orient, nous subirons bientôt des flux migratoires dans notre pays et en Afrique centrale particulièrement. Nous devons mettre en place un plan d'urgence pour pallier toute forme de crise en adéquation avec ce confit. 

Propos recueillis par Sylvain Andema

Légendes et crédits photo : 

Tony Bolamba présentant son dossier de candidature à la présidentielle de décembre 2023

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