Née au mois de février dernier, cette fondation œuvre pour la réconciliation et la paix entre États et partis via des méthodes inspirées de celles qui ont abouti à la signature des Accords de Brazzaville le 16 décembre 1998.
Plot for Peace, en français Complot pour la paix, retrace et dévoile les coulisses des négociations de ce « complot » orchestré par l’homme d’affaires Jean-Yves Ollivier qui a rendu possible la libération de Nelson Mandela, la fin de l’apartheid et l’apaisement de l’Afrique australe. Le documentaire, réalisé par Mandy Jacobson et Carlos Agullo, revient sur cette épopée et donne les clés pour comprendre l’action de la Brazzaville Foundation for Peace and Conservation.
Rencontre à New York avec Jean-Yves Ollivier, co-fondateur de la Brazzaville Foundation for Peace and Conservation.
Les Dépêches de Brazzaville : Comment est née la fondation ? À quel constat répond-elle ?
Jean-Yves Ollivier : La Brazzaville Foundation for Peace and Conservation vient d’une idée du président Sassou-N’Guesso qui a mûri et éclot au moment des 25 ans des Accords de Brazzaville. La méthodologie et l’esprit de ces accords méritaient d’être transposés et mis en place dans le cadre d’une fondation œuvrant pour la paix entre partis et États.
Quels sont les processus de fonctionnement et les champs d’action ?
Ce n’est pas une fondation qui fait du papier, réunissant des personnalités pour discuter ou faire des constats. Cette fondation proactive s’inspire des Accords de Brazzaville et de tout le processus qui y a abouti, soit des négociations secrètes qui ont pris des années. Par nature, le secret et la confidentialité seront donc des garanties que nous allons offrir aux protagonistes concernés. Nous ne ferons pas de publications ni de rapports d’étapes. Seuls seront informés les membres fondateurs et les éminentes personnalités de la fondation. Nous communiquerons une fois que les résultats seront là.
Quelles sont les personnalités liées à la fondation ?
Le président Sassou-N’Guesso m’a demandé de l’assister, de participer à son animation et de lui donner de l’efficacité. Nous comptons comme l’un des fondateurs impliqués le Sud-africain Dr Mathews Phosa, ex-membre de la branche armée de l’ANC et l’un des fondateurs des bases de la nouvelle Afrique du Sud. Phosa a d’autre part été extrêmement actif dans les négociations, envoyé personnel du président Mandela pour négocier la paix au Burundi, à Ceylan, en Irlande du Nord et récemment encore avec les nouvelles autorités irakiennes. C’est un homme qui a une grande expérience des négociations de paix, et sa réputation est au-dessus de tout soupçon. La fondation peut donc tout de suite commencer à travailler puisqu’elle a en moi et en la personne de Mathews Phosa l’expérience des négociations de paix et de réconciliation. Nous comptons avec nous le prince Michael de Kent, membre de la famille royale d’Angleterre, et avons le support d’un certain nombre de politiciens de renommée internationale, de diplomates, de chefs d’entreprise et de dignitaires respectés. Vont se joindre à nous un ou deux prix Nobel de la Paix : je pars à Atlanta où se réunissent, sous l’égide la fondation Carter, tous les prix Nobel de la Paix. Nous avons déjà été contactés par certains d’entre eux qui souhaitent s’impliquer. La fondation est composée de « names », c’est-à-dire de gens d’une réputation internationale incontestable liée à la paix. Il y aura également un cercle d’hommes d’affaires, séparés des fondateurs, qui donneront assistance dans les contacts et les accès nécessaires à ces négociations de paix. Le président Sassou-N’Guesso sera consulté en permanence, et je n’ai aucun doute que lorsque ce sera nécessaire il exercera sa connaissance pour nous aider dans les négociations.
Comment la fondation est-elle financée ?
Nous attendons de ces hommes d’affaires éminents une aide pour la faire vivre. La fondation va également fonctionner grâce à des donations attendues d’États, d’institutions et d’individus qui veulent participer à cet effort de paix.
Le siège est enregistré en Angleterre, à Londres. Pourquoi ?
La fondation est enregistrée en Angleterre sous une forme de « charity ». La législation anglaise est la plus stricte pour les fondations : chaque année un comité réévalue son action et lui redonne, ou pas, le titre de « charity ». Nous avons donc choisi l’Angleterre d’abord pour cette raison, pour le respect d’une parfaite transparence, sans aucune crainte d’être remis en question. La fondation agit dans le sens d’une charité, de façon altruiste et sans aucun intérêt. Le prince Michael de Kent a reçu du Conseil de la Reine l’autorisation de devenir l’un des fondateurs animateurs de la fondation. La fondation sera présente à Kensington Palace.
Où iront vos champs d’actions ?
Nous comptons opérer partout dans le monde, et beaucoup en Afrique où les conflits méritent d’être suivis. Jusqu’à maintenant, lorsqu’il y a des conflits internes et des guerres civiles, la panacée est d’envoyer des armées, soit de nations, soit des Casques bleus. On se rend compte de la limite de ces Casques bleus : si on regarde la République démocratique du Congo, il y a eu 16 000 hommes présents en treize ans, et la situation s’est figée sans porte de sortie. Et je ne parle pas de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Centrafrique ou du Mali… Les présences militaires sont nécessaires pour arrêter le tourbillon des guerres civiles, mais ce n’est pas suffisant pour réconcilier et construire l’avenir en commun.
Dans quelles mesures les États sont-ils prêts à discuter ?
C’est difficile de faire discuter des États, mais les individus sont certainement aptes à le faire. On a affaire à des êtres humains, et la nature humaine fait que l’on préfère la paix à la guerre. Il faut pouvoir activer cette volonté de paix chez ceux qui s’opposent militairement et leur donner les garanties qu’il y a un futur, que la paix est quelque chose qui peut engager un avenir positif plutôt qu’une bataille perpétuelle.
Y aura-t-il des événements en marge de vos actions ?
Il y aura probablement quelques événements, des opérations de levées de fonds, on ne sait pas encore sous quelle forme. Pour l’instant, la fondation sera présente, elle doit se faire connaître. Nous sommes actuellement et jusqu’en octobre aux États-Unis. Nous avons été invités à l’occasion de l’assemblée générale des Nations unies à la Maison de l’Afrique à New York, également invités par le Black Caucus à Washington, à Atlanta par le Centre Carter où encore à Los Angeles à l’occasion du sommet des jeunes leaders. Lors de ces manifestations, nous projetons Plot for Peace, présenté comme support de la fondation. Nous avons comme objectif d’être amis avec d’autres associations œuvrant pour la paix afin de travailler en commun.
Le concept de la Brazzaville Foundation for Peace and Conservation est-il inédit ?
À ma connaissance, oui. À part la Communauté de Sant’Egidio qui est une communauté religieuse et une fondation pour la paix extrêmement efficace : elle a notamment fait la paix au Mozambique. Sa limite dans le monde d’aujourd’hui est qu’elle est religieuse, liée à l’Église catholique romaine. En cela, elle est un peu mise de côté dans certains conflits qui sont malheureusement religieux. Pour autant, nous souhaiterions collaborer avec cette fondation dont nous avons beaucoup à apprendre car elle a une grande expérience. Nous l’avons approchée. C’est un exemple, il y a aussi beaucoup d’associations d’éducation, de réflexion se présentant comme des fondations pour la paix, et c’est nécessaire. Mais il y en a peu qui sont actives sur le terrain. Ce sera le cas pour la Brazzaville Foundation for Peace and Conservation.