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La coutume et la palabre comme ultimes recours ?

Lundi 12 Janvier 2015 - 10:15

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L’Afrique semble se mouvoir de nouveau en théâtre d’implosions, marqué par l’instabilité politique suscitée,  entre autres, par l’ingérence inappropriée de puissances étrangères, des « printemps arabes » qui ont engendré à leur tour des guerres civiles, des conflits ethniques et frontaliers, une vague de terrorisme, qui rendent ce continent encore plus vulnérable à la misère des populations. Populations dont on réclame cependant qu’elles s’expriment et prennent position  sur les enjeux majeurs. Face à ces positionnements requis, d’aucuns arguent de la prééminence que devrait retrouver  la coutume pour un rétablissement des justes équilibres sur le vieux continent.

Selon John Austin, la coutume est dépourvue de légalité, par ce qu'elle n'est ni établie par le Parlement, ni assortie d'une sanction émanant de l'Etat. Par conséquent, la coutume n'est pas une règle de loi mais une règle de « moralité positive » soumise aux jugements moraux. Pourtant, tout comme l'œuf qui arrive avant la poule, la coutume était présente avant la loi étatique, et elle a continué d'exister, malgré qu'elle ait été rejetée par l'État. Ainsi, partant de ce postulat, ne  devrions nous pas, sociétés africaines qui vouons un profond respect à la tradition et partant la coutume, nous en souvenir lorsque l’avenir de notre bien-être en dépend?

On sait que l'État est une imposition étrangère en Afrique, cependant, il n'est pas facile de nos jours de tracer la frontière entre la coutume et la loi, car « si les lois étatiques ont réussi à être appliquées en Afrique, c'est par ce que les sociétés africaines ont reconnu l'autorité des organes législatifs. » Ainsi l’on a pu établir que, la légitimité de la loi est tirée de la coutume. Et, même dans les États où la coutume n'est pas reconnue comme source de droit, elle joue un rôle important dans la phase d'élaboration et d'interprétation des lois.

Certes, la coutume est une règle très ancienne, mais elle ne reste pas figée, elle est mutante comme norme sociale produite par des hommes. De ce fait, elle change avec les hommes qui la créent, en évoluant avec les mentalités pour répondre aux nouveaux besoins sociaux, nous devons tenir compte de cet état mutant pour l’adapter fidèlement à nos aspirations.

En effet, si les coutumes  régissaient les sociétés africaines pendant la période précoloniale, à l'arrivée du colon, elles ont été écartées pour la plus grande partie par ce qu'elles étaient jugées rétrogrades, arriérées, et archaïques  mais force est de constater que c’était plutôt pour servir l’intérêt des colonies.

Loin de nous l’idée d’affirmer que nous en sommes encore là en plein vingt et unième siècle mais il est impérieux de démontrer qu’il existe une solution africaine et est ce qu’elle ne se résume pas à la fameuse  palabre ?

La palabre, c’est bien ce cadre privilégié de résolution des conflits, dans nos sociétés africaines traditionnelles, où différents termes adéquats sont utilisés pour la désigner, c’est tout aussi bien ce cadre d’organisation de débats contradictoires, d’expression d’avis, de conseils, de déploiement de mécanismes divers de dissuasion et d’arbitrage, la palabre en définitive, apparaît comme le cadre idoine de résolution des conflits.

C’est sûrement la voie à privilégier car elle est la donnée fondamentale et expression la plus évidente de la vitalité d’une culture de paix.  Cette véritable institution est régie par des normes établies, et les principaux acteurs doivent aussi  justifier d’une grande expertise.

Les procédures traditionnelles peuvent résolument être opératoires dans le contexte actuel, qui se caractérise par l’incursion d’éléments de modernité. Les opérations de «maintien de la paix» menées par les grandes puissances en Afrique et leur échec prouvent à suffisance que la recherche de la paix doit être basée avant tout sur des processus internes. Cette incursion bénéficie d’un terrain favorable, car traditionnellement les sociétés africaines cultivent l’esprit de paix, de concorde et d’hospitalité qui plonge leurs racines dans leur culture ancestrale.

Pour en revenir à la palabre, il est indéniable qu’elle reste encore vivace dans de nombreuses zones rurales, et qu’elle continue de produire et d’assurer avec efficacité la gestion des conflits intercommunautaires, alors ne nous leurrons pas, lorsque l’intérêt et l’avenir d’une société sont en jeu, laissons entrer la Coutume et la  Palabre.

 

 

 

Ferréol Constant Patrick GASSACKYS

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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