La question de la terre en débat à Pointe-Noire

Jeudi 26 Juin 2014 - 15:00

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Une conférence sur la propriété foncière a été organisée le 25 juin à Pointe-Noire sur le thème « Quel statut juridique pour le foncier au Congo ? » L’activité initiée par la commission diocésaine Justice et Paix de l’Église catholique a été rehaussée de la présence de Mgr Miguel Olaverri, évêque du diocèse de Pointe-Noire et président national de la dite commission

Près de 70 participants issus de différentes obédiences (administrations publiques et privées, collectivités locales, juristes, confessions religieuses, ONG et associations et medias) ont pris par à cette activité, dont la réflexion était axée autour de problématiques comme : qui de l’État ou des familles terriennes est compétent pour procéder à la distribution de la terre ; quelles sont les critères coutumiers et étatiques de répartition ; quels en sont les fondements ; les modalités de distribution de la terre sont-elles identiques dans l’un ou l’autre cas ; la législation foncière, particulièrement la loi n° 2000 du 30 décembre 2000 portant régime de la propriété foncière au Congo a-t-elle pris en compte les réalités sociologiques existantes ?

Le foncier au Congo piégé entre tradition et modernité

Ces questions ont alimenté les débats étayés par les présentations du Père Christian de la Bretesche sur : Quel avenir pour le foncier coutumier ? L’expérience de l’association des terriens du Kouilou en matière d’acquisition et de gestion de la terre à Pointe-Noire et dans le Kouilou par l’Association des terriens du Kouilou ; Enjeux et perspectives des conflits fonciers et du domaine de l’État en république par Ange Lebo, directeur interdépartemental du cadastre de Pointe-Noire et du Kouilou ; la loi n° 17-2000 du 30 décembre 2000 portant régime de la propriété foncière au Congo : atouts, faiblesses et perspectives, par Me Magloire Senga ; le titre foncier : le contentieux de son annulation par Kitoko Goma, juriste ; l’expérience sur la procédure d’obtention du titre foncier, par Georges Nguila.

Fustigeant l’anarchie constatée dans la gestion foncière  au Congo, Mgr Miguel Olaverri a déclaré : « On assiste à une panoplie de conflits au sujet de la propriété foncière. D’une part, on note les conflits qui opposent les familles terriennes entre elles, les familles terriennes et les acquéreurs d’autre part, ou encore les familles terriennes et les opérateurs économiques, ou encore les familles terriennes et l’État. Ces conflits, si l’on n'y prend garde, constituent des menaces sociales pour la cohésion dans les familles, la société sur l’ensemble du territoire national tant les enjeux que représente la terre sont importants pour les uns et les autres. »

Pour le Père Christian de la Bretesche, les trois institutions que sont l’association des terriens, le cadastre et la justice doivent trouver une cohérence en travaillant ensemble, en se respectant et en se faisant confiance. Cependant, au niveau de l’exercice des droits coutumiers, il y a un énorme travail à faire pour faire évoluer les détenteurs des droits coutumiers qui doivent prendre conscience de leur responsabilité, du rôle qu’ils ont à jouer et des évolutions auxquelles ils doivent participer et auxquelles ils doivent consentir pour moderniser l’exercice de leurs droits.  C’est à ce titre qu’a été initiée la Cogef, une coopérative de gestion foncière qui a acquis un domaine de 36 hectares à Hinda dans le département du Kouilou. Cela, pour résoudre les problèmes des agriculteurs périurbains délocalisés depuis l’extension de la zone portuaire. Il sera donc attribué aux membres de la Cogef des lots sur ce domaine de sorte qu’ils puissent  demeurer à titre pérenne chez eux, dans leur domaine, construire leur maison, développer leurs activités et sécuriser leurs investissements, a ajouté le Père Christian de la Brestesche.

Les débats ont permis de mettre à nu plusieurs interrogations qui nécessitent des palliatifs immédiats. En libéralisant la propriété privée du sol depuis 1991, par exemple par un acte de la Conférence nationale souveraine, renforcée par l’acte fondamental du 4 Juin 1991, confirmée par la Constitution du 15 mars 1992 et reprise par celle du 20 janvier 2002, et en l’absence des textes d’application, libre cours a été donné aux propriétaires fonciers véreux qui se sont adonnés à des comportements anarchiques. Les prétentions sans bornes des propriétaires fonciers se heurtent ainsi à la souveraineté de l’État, lui-même pris à son propre piège. La loi n° 17-2000 du 30 décembre 2000 sur le régime de la propriété foncière au Congo n’a pas permis de résoudre les problèmes nés du foncier, la problématique foncière ayant plusieurs facettes qui peuvent se décliner en plusieurs autres interrogations, à savoir : qui peut être propriétaire ? les procédés d’acquisition de la terre en République du Congo sont-ils diversifiés ou uniformes ? les critères coutumiers d’appropriation sont-ils pris en compte par la législation foncière congolaise ?

Pistes pour une réforme du foncier

Au regard des débats, de la complexité et de l’intérêt du sujet, il est indéniable  que s’impose la réforme du cadre législatif sur la propriété foncière en République du Congo, ont reconnu les participants à la conférence. Des efforts doivent être consentis dans la lutte contre la corruption et la fraude dans l’acquisition des terres. Tous devant œuvrer pour une justice équitable dans le traitement du contentieux relatif à l’acquisition des terres en République du Congo, prévenir et gérer les conflits liés à l’acquisition des terres en République du Congo.

L’élaboration d’un mémorandum à soumette au ministre des Affaires foncières et du Domaine public est plus qu’impérieux pour une réforme de la législation foncière, notamment en ce qui concerne la prise en compte des réalités socioculturelles qui entourent la propriété foncière privée au Congo, la révision des coûts relatifs au titre foncier et à la simplification des procédures de son obtention en reconnaissant aux juridictions locales la compétence de délivrer définitivement le titre foncier, la réglementation de la vente des parcelles de terrain par des propriétaires terriens en fixant une tarification au mètre carré et en précisant les règles selon lesquelles les familles terriennes doivent s’organiser en matière de vente des parcelles.

Le nouvel ordre du foncier au Congo doit également songer à susciter un débat sur l’élargissement de la commission ad hoc aux représentants des terriens et des notabilités locales de la reconnaissance des droits fonciers coutumiers aux représentants des terriens et aux notabilités locales ; les missions de l’agence foncière pour l’aménagement des terrains doivent être clarifiées sans oublier la mise en place d’une coalition des parlementaires et de forces vives du pays en vue d’un plaidoyer législatif auprès du gouvernement et du parlement, et la modernisation et l’équipement des services du cadastre.

La Commission diocésaine Justice et Paix a été mise en place au Congo en 1997. Elle annonce, défend et recherche la paix par la promotion des droits de l’homme et du dialogue, le règlement des conflits, la lutte contre les injustices, la recherche de la réconciliation.   

Hervé-Brice Mampouya

Légendes et crédits photo : 

Photo : Le Père Christian de la Bretesche (à gauche) et Mgr Miguel Olaverri pendant la conférence. (© Adiac)