Motion contre Boshab : scandale à l’hémicycle

Jeudi 10 Décembre 2015 - 17:45

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Un mandataire du parti présidentiel aurait, d’après certaines indiscrétions, mis dans le coup une bagatelle somme de 250.000 dollars pour soudoyer les députés dans leur croisade contre le vice-Premier ministre chargé de l’intérieur à qui il voudrait régler des comptes.   

C’est ce 11 décembre dans le bruyant hémicycle du Palais du peuple que sera débattue la motion de défiance initiée contre le vice-Premier ministre et ministre chargé de l’Intérieur et de la Sécurité. À la manœuvre, le député Delly Sessanga qui entend aller jusqu’au bout de sa croisade contre Évariste Boshab. Ce dernier est accusé d’avoir cautionné la nomination illégale des commissaires spéciaux au mépris de la loi n°15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation des nouvelles provinces et de la loi sur la libre administration des provinces.  

Autour du président de l'Envol, l’opposition parlementaire fait bloc. Elle tient au débat et sollicite de la représentation nationale la mise en cause de la responsabilité politique du vice-Premier ministre. L’effervescence qui s’observe dans les rangs de l’opposition parlementaire autour de cette motion n’est pas fortuite, fait-on remarquer. Il y a anguille sous roche. Dans un hémicycle où les motions du genre se négocient au prix fort, la conscience des députés est souvent sacrifiée sur l’autel des intérêts mesquins. Des indiscrétions font état d’une importante somme de 250.000 dollars qu’un mandataire du parti présidentiel aurait mis sur la table pour soudoyer les députés, quitte à lui rendre l’ascenseur en donnant une suite favorable à ladite motion. Si les motivations pécuniaires dont est créditée cette requête sont avérées, cela relativise du coup la portée de la démarche initiée par Delly Sesanga quelles que soient les questions de fond soulevées.

 À la suite du député Clément Kanku qui avait chargé le vice-Premier ministre sur la même matière via une question orale, Delly Sessanga pense ainsi parachever cette action parlementaire en demandant l’annulation pure et simple des actes de nomination des commissaires spéciaux. Ce qui, de l’avis des analystes, reviendrait à remettre en cause les ordonnances de nomination signées par le chef de l’État en exécution de l‘arrêt rendu par la Cour constitutionnelle. Poussant la réflexion un peu plus loin, certaines langues pensent que Joseph Kabila, à qui l’on veut faire porter le chapeau de l’imbroglio juridique actuel, serait in fine la cible visée. Au-delà, c’est un déni de l’arrêt rendu par la Haute cour ayant enjoint le gouvernement à prendre des « mesures exceptionnelles et transitoires » pour la gestion des nouvelles provinces qui est exprimée par cette démarche. Et lorsqu’on sait que la nomination des commissaires spéciaux tire sa force de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, il y a lieu de s’interroger sur la fixation, à la limite démentielle, faite sur la personne d’Évariste Boshab.

L’accuser d’avoir exécuté les injonctions de la Haute cour équivaudrait à remettre indirectement en cause l’arrêt de cette prestigieuse juridiction. En poussant l’outrecuidance jusqu’à attaquer le verdict qu’elle a rendu, faisant fi de l’article 168 de la Constitution qui consacre le caractère exécutoire et opposable de ses avis et arrêts, les initiateurs de la motion empruntent là une voie suicidaire. Tout en rappelant que la « loi d’exception, c’est l’exception elle-même », Évariste Boshab reste pour le moins imperturbable. Il refuse de commenter les arrêts de la Cour constitutionnelle et continue de croire en la légalité de la nomination des commissaires généraux. Toutefois, une chose est d’initier une motion de censure, une autre est de parvenir à la faire adopter. Ce qui est loin d’être acquis dans une chambre basse dominée par la coalition au pouvoir.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Évariste Boshab

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