Nigeria : un géant culturel qui étonne les francophones

Samedi 5 Avril 2014 - 14:40

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Sixième exportateur mondial de pétrole, le Nigeria est aussi le foyer d’une industrie cinématographique et musicale dont l’essor ne cesse d’étonner plus d’un francophone. La popularité de son cinéma et de sa musique a fait de ce pays un incontournable géant culturel du continent

Un cinéma à faible budget et un succès omniprésent

Il ne se passe pas une semaine au Nigeria sans qu’il ne se tourne au moins trente long métrages destinés à la commercialisation. Lancée en 1990, l’industrie cinématographique nigériane, Nollywood, est devenue après l’agriculture la deuxième source d’emploi de ce pays qui compte un peu plus de 168,8 millions d’habitants. On estime à un million le nombre de personnes dont les revenus dépendent directement de la production de Nollywood, industrie qui génère désormais 590 millions de dollars par an. Au-delà des thématiques populaires abordées, le succès paradoxal de cette industrie réside aussi dans sa capacité à produire jusqu’à 2 500 films par an, tournés avec de petits budgets et dans des conditions assez dérisoires de production. Selon la BBC, produire un film coûte entre 25 000 et 70 000 dollars. Entre amateurisme et piraterie, les DVD se vendent entre 20 000 et 200 000 exemplaires. Et la gangrène du piratage n’étant jamais loin sur le continent, pour chaque exemplaire vendu légalement, neuf sont illégaux, selon la Banque mondiale. Dans cette effervescence artistique, très peu d’acteurs ont des revenus élevés. Les plus connus gagnent entre 1 000 et 3 000 dollars par film, les plus chanceux, comme l’actrice Omotola Jalade, atteignent les 32 000 dollars par film.

Musique : à chaque génération un mouvement

Les années 1970 ont été celle du règne de l’afrobeat de Fela Anikulapo Kuti. Le musicien le plus controversé du continent, né en 1938, s’était taillé une personnalité qui l'avait rendu incontournable dans l’histoire de la musique africaine, créant un mouvement de conscience collective puissant. Mais plus tôt, au cœur des années 1960, on se souvient comment la rumba zaïroise conquit le Nigeria où elle a été séduite par le high life déjà en vogue à cet époque. La fusion des deux fera  apparaître en 1976 le tube Sweet Mother de Prince Nico Mbarga. Arrive dans les années 1980 le groove du reggae jamaïcain. Mais les courants dominants restent l’afrobeat, la juju et la fuji qui connaîtra une expansion remarquable dans les années 1990. Une décennie marquée également par « l’installation du batteur Ginger Baker à Lagos et le lancement d’un projet avorté de studio dans la capitale nigériane par Paul Mc Cartney », explique Sylvie Clerfeuille. Les années 2000 ont été celles de l’arrivée d’une nouvelle génération. Seun et Femi Kuti, les deux fils de Fela perpétuent chacun à sa manière la mémoire de leur père. À leur côté, Keziah Jones est un artiste majeur de la scène musicale nigériane aux aspirations profondes avec un discours réaliste sur la situation politico-économique du Nigeria. Dans une interview accordée au magazine Mondomix, il disait avec un brin d’optimisme : « Un architecte de renom s’est rendu à Lagos et a déclaré que, pour des yeux occidentaux, cette ville était un chaos complet... En fait, les gens trouvent des façons alternatives pour vivre ensemble. Le Nigeria est miné par la pauvreté, mais il est aussi débordant d’énergie.  En marge du pouvoir politique, nous développons nos propres réseaux. »

La nouvelle génération

Cette décennie est aussi celle où débarquent avec énergie des artistes tels qu'Ayo, Nneka, Asa. Et dans un registre complètement différent et très populaire, on remarque l’émergence de  P-Square, D’Banj, Davido, Tiwa Savage, 2face Idibia, J Martins qui réussissent aussi leur conquête de l’Afrique francophone et du monde. Les boîtes de nuit d’Afrique francophone se voient inondées de musique et de pas de danse nigérianes. P-Square, le groupe des frères jumeaux Okoye, côtoie les grands noms de la scène hip-hop mondiale, Rick Ross, Akon, et s’inspirent de ces derniers pour réussir leur carrière. En témoigne la qualité des clips de leurs albums.

On estime à 550 disques le nombre de disque produit chaque année par l’industrie musicale nigériane, avec plus de 1 200 concerts générant d’importants chiffres d’affaires par an, des million de dollars.

Meryll Mezath