Quand Mobutu réveille des nostalgiques à la Ligue du Nord

Lundi 2 Juin 2014 - 12:53

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Un membre du parti xénophobe italien garde un souvenir radieux de l’ancien président

On peut s’attendre à beaucoup de choses de la part de Mario Borghezio, mais pas à ça. Grand dirigeant du parti xénophobe italien de la Ligue du Nord, élu récemment député européen, l’homme est passé à la postérité dans la diaspora africaine d’Italie en assénant un jour que la ministre Cécile Kyenge Kashetu, première Italo-Congolaise à occuper un poste ministériel dans la péninsule, ressemblait à un orang-outan. Pas moins. Le propos avait fait des vagues. Son propre parti les avait récusés. Les autres formations avaient condamné des mots abjects. Lui-même avait dû présenter des excuses et tendre la main à l’offensée. Devant caméra.

Puis, jeudi dernier, il a été l’invité d’une émission dont notre journal a parlé, puisque la veille, elle avait donné la parole précisément à Mme Kyenge Kashetu. Le journaliste lui avait d’ailleurs posé la question de savoir si, maintenant que son pourfendeur et elle-même devaient s’asseoir sur le même banc au Parlement européen, elle accepterait de serrer la main de Borghezio. L’ancien ministre avait répondu qu’elle ne gardait pas de rancœur personnelle aux gens, son combat se situant au niveau des idées.

En Italie, une règle tacite veut que les médias pratiquent ce qu’on désigne par l’expression latine par condicio. Autrement dit, lorsqu’un membre de la majorité prend la parole un jour, il faut accorder la parole à un membre de l’opposition dans les heures qui suivent. Cécile Kyenge ayant parlé, il était normal que Borghezio aussi vienne réagir aux propos de l’Italo-Congolaise, brillamment élue députée européenne désormais. Première question : avez-vous suivi l’émission où Mme Kyenge parlait de vous ?

La réponse a été enthousiaste : oui, bien sûr. « Pour nous, à la Ligue du Nord, Cécile Kyenge a été une bénédiction. Chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, le nombre de nos militants montait en flèche. » La conversation, mêlant le léger et l’immonde, s’est poursuivie. Jusqu’à la surprise : l’homme avoue avoir travaillé en République démocratique du Congo à la fin des années 1960. Et d’y avoir connu le maréchal du Zaïre, Mobutu Sese Seko. « Le dictateur ? », lui demande le journaliste en substance. « Mais qui parle de dictature ? Mobutu a été un grand homme politique, un homme d’État. »

Naturellement, personne ne peut contester au membre d’un parti xénophobe d’aller travailler en Afrique. Mais M. Borghezio en a rajouté une couche. Puisque revenant sur ses thèmes de prédilection, à savoir les canons de la beauté féminine du continent, il a indiqué avec force sous-entendus que, pour lui, les femmes de joie du Katanga étaient décidément les plus irrésistibles. Inutile de souligner que Cécile Kyenge aussi est Katangaise…

Lucien Mpama