Religion : des chrétiens à la mosquée

L’initiative était partie des musulmans de France en juillet dernier. Dans l’onde de choc provoquée par l’assassinat en pleine messe du Père Jaques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, en Normandie, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait invité ses membres à se rendre dans n’importe quelle église pour manifester la solidarité et le rejet de la violence inter-religieuse. En Italie, des musulmans avaient franchi le seuil     (au propre comme au figuré) pour aller dire à leurs frères chrétiens que l’islam n’était pas la religion de violences que les coupeurs de tête veulent camper.

Souhaitant accentuer le mouvement en Italie, le Co-mail (communautés du monde arabo-musulman en Italie) a invité les chrétiens de la péninsule à accomplir un geste de réciprocité. Dimanche dernier, à l’occasion de la fête musulmane du Sacrifice, l'Eid Al Adha, les portes des mosquées se sont donc ouvertes aux chrétiens. Lieux distants qui entretiennent les incompréhensions, les mosquées d’Italie ont voulu se proposer comme lieux de prière, de fraternité et de paix pour tous.

« Nous devons tous nous unir pour abattre les murs du silence, de l’indifférence, de l’ambiguïté et de la confusion pour contribuer à renforcer le dialogue en faisant tomber toute instrumentalisation du monde arabe et musulman ». Aodi, le président du Co-mail, a choisi exprès la date du 11 septembre pour une telle initiative jamais réalisée en Italie auparavant. Il s’est agi de montrer à tous que c’est ensemble que chrétiens et musulmans souffrent des attentats et, donc, ensemble qu’ils doivent faire face au terrorisme de type djihadiste.

Pendant que se célébrait à New York le 15è anniversaire des attentats contre les Tours Jumelles du 11 septembre 2001, les musulmans d’Italie célébraient la démarche naissante de visites données et rendues, comme dans un village, pour renforcer la fraternité et tomber dans la méfiance. Sur les réseaux sociaux, les musulmans  ont adhéré à la campagne #cristianinmoschea (chrétiens dans les mosquées) pour marquer un esprit nouveau d’entente parmi les croyants. Démarche spirituelle mais également politique, tant un parti xénophobe comme la Ligue du Nord s’est forgée une attitude de dureté sur les attentats et menaces djihadistes en Occident, n’hésitant pas d'entretenir en Italie l’amalgame par la trilogie : étranger=islam=terrorisme.

Les organisations islamiques adhérentes affirment que les communautés musulmanes d’Italie ont, du nord au sud, répondu très positivement à l’initiative. Pourtant un grand couac a été noté : la grande mosquée de Rome (la plus grande du pays et d’Europe), ayant dit son « non » à la démarche. Aodi n’a pu exprimer que sa « grande indignation » devant une telle réticence. Il s’est toutefois réjoui parce que les chiffres en sa possession indiqueraient un accueil favorable à la démarche « à 95% ».