Interview : Massoumeh Raouf « En tant que femme musulmane progressiste, ce que font les fondamentalistes et les terroristes me dégoûte »Vendredi 25 Septembre 2020 - 13:29 Massoumeh Raouf est une écrivaine iranienne engagée contre le fondamentalisme religieux. Elle nous a fait part des tristes anecdotes qu’elle a vécues, la douleur et l’indignation qu’elle ne cache pas vis-à-vis du déni de la liberté d’opinion. Entretien. Les Dépêches du Bassin du Congo : Massoumeh Raouf, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Massoumeh Raouf : Je suis une ancienne journaliste et prisonnière politique du régime des mollahs en Iran. J’ai été arrêtée en 1981 et condamnée à vingt ans de prison. Mais au bout de huit mois j’ai réussi à m’échapper. En 1988, mon frère cadet est exécuté lors du massacre des trente mille prisonniers politiques iraniens. Pour rendre hommage à mon frère, j’ai écrit la bande-dessinée "Un petit prince au pays des mollahs". LDBC : Alors comment s’est déroulée cette aventure littéraire ? MS : En 2017 pour rendre hommage à mon frère j’ai publié son histoire en persan. J’avais un très bon retour de mes lecteurs qui ont été grandement touché par l’histoire et la personnalité et la résistance d'Ahmed. Une de mes amis, Mme Harman, une artiste diplômée de Film & Animation, designer, scénariste et dessinatrice, m’a proposé de travailler ensemble sur un livre de bande dessinée. Nous avons travaillé sur ce livre pendant plus d'un an. Ce n'était pas un travail facile. Parce que quand vous écrivez pour un lecteur iranien, il y a une histoire et une culture communes. Mais quand vous écrivez à un lecteur européen, américain et africain… tout est différent, vous devez rapporter tous les événements. Après sa sortie, fin 2018 j’ai contacté les médias et j’ai essayé de « faire passer le message ». Dès la sortie de mon livre j’ai participé aux différents salons du livre. Mes lecteurs sont très touchés par l’histoire que je raconte. Je trouve beaucoup de solidarité et encouragement à travers le monde pour continuer. Un « livre si profondément émouvant », m’a écrit par exemple dans une lettre Jean Ziegler, écrivain, sociologue et homme politique. LDBC : Parlez-nous un peu de votre bande dessinée et de vos projets d’écriture ? MS : Mon livre de bande dessinée « Un petit prince au pays des Mollahs » est sorti en anglais, français, allemands, italien et persan, et bientôt dans d’autres langues. Sa version française est publiée aux Éditions de la Société des Écrivains. Un petit prince au pays des Mollahs est disponible dans les librairies sur commande et aussi sur internet. Dans sa préface, Ingrid Betancourt, note à juste titre que « l’histoire d’un petit prince au pays des mollahs nous livre sans aucun maquillage le drame humain de millions d’Iraniens ». C’est un hymne au courage de résister malgré les obstacles et ne pas céder devant l’injustice. La volonté de celui qui croit en un idéal élevé et des valeurs humaines est infinie. Ce sont ces volontés qui changent le cours de l'histoire. Personnellement pour moi en tant que sa sœur, c’est douloureux de parler et de voir de telles atrocités que mon frère Ahmad a subies. Pour moi Ahmad est toujours vivant. Il vit chaque instant en moi. Je ne pouvais pas raconter son histoire autrement. En tant que femme musulmane progressiste, ce que font les fondamentalistes et les terroristes me dégoûte. Après publication de mon livre, mes amies et aussi mes lecteurs que j’ai rencontrés en différentes occasions au salon du livre, m’ont demandé de raconter mon histoire et mes souvenirs de prison. Pendant le confinement j’ai réussi de finir mon livre de mémoire de prison et mon évasion. Il sera publié prochainement. Propos recueillis par Aubin Banzouzi Légendes et crédits photo :Photo: L'écrivaine Massoumeh Raouf Notification:Non |