Evocation : Paul Kamba ou le premier frémissement de la ville

Vendredi 18 Décembre 2020 - 12:45

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Paul Kamba fut un enfant de l’immigration. Créateur culturel dans une agglomération qui n’était encore que balbutiement, il contribuera par la musique à donner une âme et une identité à sa nouvelle patrie, Brazzaville, et à sa sœur jumelle assise sur l’autre rive du pool Malebo, la ville de Léopoldville.

On l’appelait Po’olo Kamba. La transcription des prénoms européens dans les dialectes bantous rend parfaitement compte de l’acrobatie langagière où se trouvent les peuples de la terre à décliner correctement des vocables venus d’ailleurs.  Ainsi, en est-il du prénom Paul qui devient Pavel dans les pays slaves, Paolo en Italie et Pablo chez les Ibères de la péninsule hispanique. Sur les rives du Congo, le prénom Paul devient Po’olo, André est prononcé Andélé, Thérèse se change en Teressa ou Telessa, alors que Folola est l’équivalent dans certains patois congolais du prénom français Florent.

Lorsqu’il naquit le 12 décembre 1912 à Mpouya, l’infirmier-accoucheur, selon l’usage de l’époque, choisit le prénom chrétien Paul qu’il annonça à ses parents. Ceux-ci, à leur tour diffusèrent aux siens la nouvelle de la naissance de leur enfant appelé Po’olo. Paul Kamba grandira et sera célébré, vénéré et immortalisé à travers son prénom Po’olo accompagné du patronyme Kamba.

  Il devait sa naissance à Mpouya, en pays boma, à la présence de sa famille auprès des Pères missionnaires. Son père Kamba était originaire du village Boka (Boa, en mbochi) situé sur la rive droite de l’Alima à quelque 5 km de l’embouchure de la rivière Pama. Au croisement du XIXe et du XXe siècles, à l’heure des conquêtes coloniales, Boka fut érigé en place forte militaire par un officier français, le capitaine André Lados.  Il se servira de cette base pour lancer des raids meurtriers contre les résistants à la colonisation française dans le bassin des rivières Alima, Nkéni et Pama. C’est certainement à Boka que le jeune Kamba, futur père de Po’olo fit la connaissance des missionnaires catholiques avec lesquels il émigra dans un village appelé Boundji sur l’autre rive de la rivière Alima. Les missionnaires avaient choisi l’emplacement de ce village qui explosera bientôt en une grande cité pour élever une église catholique. Quand Kamba revint dans sa contrée natale, ce fut pour prendre une femme au village Okouma aujourd’hui situé dans le dos de la ville d’Ollombo sur la piste qui mène au village Abessi qui devint Mabirou, c’est-à-dire Monbureau quand les Français s’y installèrent provisoirement. Le retour de Kamba à Boundji sera synonyme d’une odyssée qui le conduira avec les missionnaires à Mpouya puis à Brazzaville.

Dans la capitale de l’Afrique équatoriale française qui n’était alors que balbutiement, le petit Po’olo fut scolarisé à l’Ecole Jeanne d’Arc. Ce n’était pas un conservatoire, qui aurait eu l’avantage professionnel de préparer le jeune homme à une carrière de musicien. Toutefois, deux facteurs, l’un circonstanciel et l’autre génétique détermineront la suite de la vie musicale de l’adolescent.

Le premier de ces deux facteurs cingla comme une ironie du sort. En effet, c’est dans le cadre de sa profession que se trouvant à Léopoldville que Po’olo Kamba fit la connaissance de jeunes gens – des Congolais et des Ghanéens- rassemblés sous la bannière d’un groupe musical dénommé Orchestre de Liège encore appelé 17 Boys. Ce coup du sort bouleversera son avenir. En effet, une fois de retour sur la rive droite du pool Malebo, le jeune homme de 20 ans créa, en 1932, avec un associé du nom de Loboko, la formation musicale « Bonne Esperance », un groupe vocal qui mit en lumière ses jeunes animateurs. Toutefois, dix ans de maquis seront nécessaires avant que Paul Kamba ne plante le décor qui le consacrera père tutélaire de la musique des rives du pool Malebo avec son mythique groupe le Victoria Brazza. (A suivre)

 

Ikkia Ondai Akiera

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