Les petits Congolais adoptés sont arrivés en Italie

Mercredi 28 Mai 2014 - 15:38

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Scènes de liesse et soulagement national : les trente et un enfants de République démocratique du Congo (RDC) adoptés par des familles italiennes ont enfin été accueillis à Rome

Une affaire nationale, voilà ce qu’était devenu au fil des jours le sort de trente et un jeunes enfants de République démocratique du Congo devenus italiens par adoption. Ces enfants auraient dû rejoindre leur pays en décembre. À la veille de Noël, Kinshasa avait stoppé la fête qui se préparait dans les foyers en Italie après la découverte d’abus. Les adoptants italiens n’étaient pas en cause, mais les autorités ont voulu soumettre l’ensemble des dossiers à une analyse plus sourcilleuse.

C’est donc au bout de cinq mois de procédure que tout a fini par se dénouer. Mercredi, à 9 h 45, l’avion affrété par le gouvernement italien s’est posé à l’aéroport militaire de Roma-Ciampino avec tous les enfants à bord, des membres d’associations d’adoption et même quelques familles. « Vous voici finalement à la maison, finalement en famille : bienvenue les enfants ! ». Ces paroles émues sont celles d’une personne très symbolique dans cette affaire : Cécile Kyenge Kashetu.

Ministre de l’Intégration dans le gouvernement d’Enrico Letta, Cécile Kyenge Kashetu s’est battue pour l’intégration des minorités. Concernant ces adoptions, elle avait fait un voyage à Kinshasa, chargée de tonnes de vivres et de médicaments, et en était revenue avec la promesse que les dossiers seraient traités en priorité et avec un préjugé favorable. Mais Kinshasa avait tenu à suivre son propre rythme et ne céda pas aux amicales pressions de Mme Kyenge, pourtant elle-même originaire de RDC.

La joie était donc totale en Italie mercredi, après l’arrivée des enfants du Congo. Cette affaire a donné l’occasion aux militants des associations d’adoption de tirer les leçons d’une procédure où misérabilisme et paternalisme ne sont jamais loin. Car dans ce cas comme dans d’autres, les nationaux ont parfois la désagréable sensation de « vendre » leurs enfants à des plus fortunés. Et d’ailleurs, la presse rapporte fréquemment des situations où ces jeunes enfants connaissent la maltraitance ou le racisme. Des cas de parents adoptifs irresponsables, qui oublient trop facilement qu’un enfant est un homme ou une femme en devenir, ont également été signalés. L’enfant qu’on adore aujourd’hui aura son caractère personnel demain, ce qui ne justifie pas qu’on lui ressorte la rengaine de l’avoir « tiré du caniveau ». Il n’a rien demandé.

Ces considérations sont à la base de la prudence adoptée par Kinshasa, donnant l’impression de revenir sur sa parole et même de négliger ses engagements internationaux. « Le coup de frein dans les procédures de la part des autorités congolaises a été causé par des irrégularités dans les adoptions dans d’autres pays », a tenu à expliquer Cristina Ravaglia, directrice du département des Italiens de l’étranger et des politiques migratoires au sein de la Farnesina, le ministère des Affaires étrangères à Rome.

Ont notamment été mises en cause, a-t-elle dit, des irrégularités constatées dans des dossiers d’adoption présentés par des familles françaises et américaines. Lorsque, par exemple, les autorités congolaises ont découvert que l’une des familles adoptantes était un couple homosexuel, elles ont décidé de regarder d’un peu plus près tous les autres dossiers. « Il a fallu de patientes et régulières négociations pour lever le doute de Kinshasa qui réprouve fortement l’adoption des enfants africains par des couples de même sexe. Depuis septembre, nous nous sommes également tenus en contact régulier avec les familles ; nous avons partagé leurs espérances et leurs angoisses », a ajouté la fonctionnaire italienne.

De son côté, Maria Elena Boschi, la ministre italienne des Réformes et des Relations avec le Parlement, a expliqué que le voyage, dont elle était, s’est bien déroulé : « Les enfants ont été sages et ils se portent vraiment bien. » Elle a rendu hommage à la collaboration efficace de tous les services impliqués, italiens et congolais, ainsi qu’à l’action des associations d’adoption. « Les fonctionnaires de la primature et du ministère des Affaires étrangères ont été exemplaires à Rome. L’implication du Premier ministre Matteo Renzi a été essentielle. Et puis, il faut vraiment remercier le président Joseph Kabila qui a débloqué la situation ».

Maria Elena Boschi se souviendra longtemps de cette affaire. Elle est sans doute la toute première ministre italienne à s’être présentée devant la presse avec des tresses africaines. Elles lui ont été faites pendant le vol. Et la coiffeuse improvisée n’était autre que l’une des adoptées. « C’est la petite Marta qui m’a tressée. Durant le vol, nous avons joué et nous sommes amusés, mais les enfants ont surtout dormi. À bord, nous avions un pédiatre. Tout s’est bien passé ». La ministre italienne a indiqué que, sur la base de cette expérience, son pays réfléchissait aux questions liées aux adoptions. Voilà, pour qui croit aux augures, une très belle histoire à raconter à trente et un adolescents dans une dizaine d’années. Trente et un jeunes Italiens.

Lucien Mpama