Livres : Habib Luc René Mitsingou présente « Le parcours de l’immigré »

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Dans votre dernier roman, « Le parcours de l’immigré », paru en janvier 2025 aux éditions Le Lys bleu, vous abordez une problématique pour le moins universelle : l’amour est-il plus fort que le ressentiment, la rancœur et la vengeance ?

Habib Luc René Mitsingou (H.L.R.M.) : Oui, en effet, c’est un motif littéraire qui parcourt mon œuvre. Mais c’est parce que moi-même, à un moment ou à un autre de mon parcours d’immigré, j’ai été confronté à l’écartèlement. Comme chacun d’entre nous d’ailleurs ! Evidemment, l’héroïsme n’est pas tant la manière dont on vainc ses pulsions ou ses mauvais sentiments que la capacité à privilégier l’amour. Ce qui ne signifie pas qu’on oublie le mal subi. Non. C’est le fil rouge de mon nouveau roman.

L.D.B. : Votre héroïne, Lembe, a subi un viol dans un contexte particulier : celui de la guerre. De cet acte est né un enfant. Pourtant, quand son violeur la contacte des années plus tard, Lembe ne décline pas son invitation…

H.L.R.M.  : Non, elle ne la refuse pas, cette invitation. Certes, à un moment, elle appréhende cet instant où elle va être en face de son violeur ! Mais cette appréhension s’efface rapidement. Et d’ailleurs, vous l’avez sans doute remarqué, elle se fait belle pour ce rendez-vous. Le but est-il d’impressionner son violeur et père de son enfant ? Sans le dire vraiment, je le suggère. Par ailleurs, à travers elle, j’ai voulu aussi suggérer que la vie n’est pas forcément un affrontement manichéen, le combat du bien contre le mal ou vice-versa. 

L.D.B. : La vie de Lembe est un chemin chaotique : ses parents ont été assassinés par Koxys, son violeur, et elle se retrouve seule. Cette errance psychologique est loin de prendre fin puisque même les pasteurs des églises auxquels elle demande de l’aide la rembarrent, pour ainsi dire… Pourtant, elle ne renonce pas à aller les rencontrer …

H.L.R.M. : Lembe est consciente que si elle renonce à sa foi, elle est perdue pour de bon. Elle n’y va pas pour les pasteurs mais pour elle-même ! Pour y trouver un moment de prière collective, mais aussi, là-encore, de chaleur humaine. En cela c’est une héroïne, au sens étroit du terme.

Dans le deuxième volet en préparation - il s’agit d’une trilogie -, je confronte sa psychologie à rude épreuve après qu’elle a rencontré le père de son enfant, celui-là même qui avait abattu ses parents et la violait régulièrement.