État islamique en Libye : L’Italie prête à la guerre s’il le faut !Lundi 16 Février 2015 - 15:45 Les djihadistes contrôlent des villes libyennes et menacent directement « l’Italie-des-croisés » ainsi que son ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni. L’ambassade d’Italie a fermé durant le week-end et son personnel a été « rapatrié à titre provisoire ». Partis dimanche à bord d’un catamaran affrété par leur gouvernement, les 42 diplomates italiens sont arrivés lundi à l’aube au port d’Augusta, près de Syracuse (en Sicile, sud de l’Italie), clôturant provisoirement une page d’histoire et en ouvrant sans doute une autre, pleine d’incertitudes. Une page faite de politique, de terrorisme et de religion : tous les ingrédients d’une guerre ! Dans les mois passés, le groupe islamique de l’État islamique (Isis, selon son acronyme anglais ou Daech, selon celui en arabe), avait proféré des menaces qui se font chaque jour plus précises. « Nous marcherons sur Rome ! », avait-il promis début janvier. Les services de sécurité ont élevé leur degré de surveillance autour des principaux points stratégiques d’Italie, y compris la Place Saint-Pierre et autour du pape. La menace lancée samedi est encore plus directe. Elle intervient après la prise de la ville de Syrte, la ville natale du défunt colonel Kadhafi, et la décapitation spectaculaire de chrétiens égyptiens en Libye. « Nous sommes au sud de Rome », a claironné le mouvement terroriste. Les côtes libyennes sont à moins de deux heures d’avion de la Sicile, la pointe sud du territoire italien. Par le passé, les humeurs changeantes du colonel Kadhafi l’avaient prise pour cible, un missile lancé depuis la Libye ayant atterri en Sicile sans faire de dégâts. C’était en 1986. Aujourd’hui, dans une action de haine généralisée contre le christianisme et l’occident l’Isis cible l’Italie, proche de la Libye aussi bien par l’histoire (brièvement colonie italienne dans les années 1930) que par la géographie. Et c’est la première fois que l’Italie en tant que pays et une de ses personnalités en vue sont visées directement. Rome ne veut pas céder à la psychose : « Nous sommes prêts à la guerre en Libye, sous coalition menée par l’ONU, s’il le faut », a promis Paolo Gentiloni. Ce jeudi, il s’exprimera à la chambre pour rendre compte de la situation et de la volonté politique unanime dans le pays de faire front et ne pas se laisser intimider. Rome invite ceux des Italiens encore restés sur place à quitter la Libye au plus tôt. Leur sécurité n’y est plus garantie. La « guerre de Sarkozy » Dans la classe politique lundi, peu étaient les voix en discordance avec la Farnesina, le ministère italien des Affaires étrangères. Et celles qui l’étaient, telle celle du Mouvement populiste 5 Etoiles, rejoignent la majorité sur un point : l’Isis est le résultat de la guerre menée en Irak par le président américain George Bush et en Libye par le président français Nicolas Sarkozy. C’est un fait qu’en 2011, l’Italie ne s’est impliquée dans la coalition qui renversa le régime Kadhafi qu’en traînant littéralement les pieds. Un épisode que Silvio Berlusconi, leader de la droite et alors premier ministre (et bête noire de M. Sarkozy à l’époque), ne rate aucune occasion de rappeler. La guerre, oui, mais il faut aussi poser les bases d’un avenir différent du chaos laissé par les bombardements et autres attaques de la coalition occidentale en 2011. Il faut « reconstruire un État unitaire et global en Libye sur la base de la négociation lancée par l'envoyé spécial de l'ONU », sur place. Rome réaffirme qu’il faut faire retrouver à l’Organisation des Nations-unies un rôle qu’elle n’aurait jamais dû perdre en Libye. L’Italie « est prête à apporter sa contribution en Libye dans le cadre des décisions de l'ONU », a indiqué le ministre Gentiloni. Pour lui, la situation est complexe et elle représente une menace directe pour l’Italie. Ne serait-ce que parce que des milliers d’immigrés fuyant Tripoli affluent en masse sur les ports du sud de l’Italie. Et surtout à Lampedusa : 2.164 pour la seule journée de dimanche. Sans parler de la demi-douzaine d’embarcations, pleines à ras-bord, secourues les jours précédents alors qu’une trentaine de corps de migrants non-identifiés, et morts de froid en mer Méditerranée aux portes de l’Italie, viennent à peine d’être enterrés. Pour la petite communauté chrétienne de Libye, le choix dramatique se pose sous forme de dilemme : partir ou rester ? la valise ou le cercueil ? La semaine dernière, l’organisation de l’Etat islamique a revendiqué l’enlèvement en Libye, en janvier, de 21 chrétiens égyptiens qui y travaillaient. Leur décapitation, filmée, est aujourd’hui l’une des attractions macabres du web. Le vicaire apostolique (évêque catholique) de Tripoli, l’Italien Giovanni Martinelli, a fait le choix de rester en signe de solidarité avec 300 chrétiens philippins qui sont pris au piège libyen en attendant une hypothétique évacuation. Lucien Mpama |