Francis Dooh Collins : la paix, la sécurité et la gouvernance, vecteurs de développement et de prospérité pour l’Afrique

Dimanche 30 Mars 2014 - 4:00

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Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, le monde a connu des changements profonds avec la fin de la guerre froide et la montée en puissance de certains pays dits émergents – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud –, considérés aujourd’hui comme des pays développés, voire leaders dans le monde. L’Afrique couvre 6% de la surface terrestre et 20,3% de la surface des terres émergées et sa superficie est de 30,415 millions de kilomètres carrés avec les îles, pour une population de 1,1 milliard d’habitants. L’Afrique représente donc aujourd’hui 16% de la population mondiale, et sa population triplera au cours du prochain demi-siècle, si bien qu’à l’orée du vingt-deuxième siècle, un humain sur trois sera africain

Francis Dooh Collins est expert en intelligence économique. Militaire de formation, ancien contrôleur de Gestion à Ecodis (Garnison militaire de Verdun), ancien responsable de contrôle de Gestion et du Contrôle interne chez AST Research, Administrateur Directeur Général de Strageco à Genève, et Administrateur Directeur Général de PAS Petroleum à Genève.

L’Union africaine face à la paix et à la sécurité

Les 54 pays membres de l’Union africaine (UA) ont pris en compte la problématique paix et sécurité afin d’assurer leur développement économique et social. L’UA a inscrit dans sa Constitution le droit d’intervenir auprès de ses pays membres pour la résolution des conflits ; elle se démarque des politiques antérieures qui prônaient la non-intervention. La responsabilité de l’UA en matière de consolidation de la paix, de résolution des conflits et de réponse aux menaces sécuritaires est aussi explicitement affirmée dans l’accord de partenariat de Cotonou (article 11, version révisée de 2010).

L’UA a donc pris l’initiative dans les efforts de prévention et de résolution des conflits, notamment en mettant en place l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS), à laquelle participent des organes régionaux. Le rôle croissant joué par les partenaires africains a été démontré ces dernières années par des opérations de maintien de la paix sous conduite africaine au Soudan, en Somalie, en République du Mali et en Centrafrique. L’AAPS a été créée en 2002, sous la tutelle de l’UA et des communautés économiques régionales. Cadre constitué d’accords législatifs formels, d’institutions et de processus de décision, qui régissent ensemble la prévention, la gestion et la résolution des conflits en Afrique, l’AAPS est constituée essentiellement du Conseil de paix et de sécurité, du Groupe des sages, de la Force africaine en attente, du Fonds africain pour la paix, et du système continental d’alerte rapide. Une évaluation de l’AAPS réalisée en 2010 a salué les progrès constants enregistrés depuis 2002. Cependant, le fonctionnement de certaines composantes reste partiel, et l’architecture dans son ensemble demeure largement dépendante du financement extérieur.

En Afrique, les États et les institutions n’ont pas toujours la capacité d’intervenir en cas de crise, et une aide extérieure demeure essentielle. L’ampleur du défi à relever par l’UA est considérable : elle doit faire face à des problèmes de sécurité immédiate, tout en renforçant aussi ses capacités à long terme. Les organes régionaux – mécanismes régionaux et communautés économiques régionales – jouent un rôle déterminant non seulement en matière de coopération économique, mais aussi en garantissant la stabilité politique et en appliquant les stratégies de l’UA dans leurs régions respectives. Si certaines instances régionales sont bien développées et presque indépendantes à l’égard de l’aide extérieure, d’autres ont des capacités qui restent limitées.

Ainsi les objectifs stratégiques pour la paix et la sécurité sont :
- de renforcer le dialogue sur les défis à relever en matière de paix et de sécurité, notamment dans les enceintes internationales, afin de dégager des positions communes et de mettre en œuvre des approches conjointes en ce qui concerne les défis en matière de paix et de sécurité en Afrique ;
- de rendre pleinement opérationnelle l’Architecture africaine de paix et de sécurité afin d’en assurer le bon fonctionnement et de lui permettre de relever les défis en matière de paix et de sécurité en Afrique, notamment en ce qui concerne la prévention et la reconstruction au lendemain des conflits ;
- d’assurer le financement prévisible des opérations de soutien de la paix conduites par l’Afrique, notamment en œuvrant ensemble à l’élaboration, dans le cadre du chapitre VIII de la Charte des Nations unies, d’un mécanisme de l’ONU visant à financer de manière durable, souple et prévisible les opérations de maintien de la paix menées par l’UA ou sous son autorité et approuvées par le Conseil de sécurité de l’ONU.

L’Afrique est non seulement victime de coups d’État et de conflits récurrents, mais aussi depuis un moment d’attaques terroristes. Tout cela mine la paix, crée l’insécurité et décourage les investisseurs. Aussi l’Afrique n’accèdera-t-elle au développement durable que si elle bénéficie d’une stabilité réelle et d’une paix véritable, ce qui place de façon explicite la sécurité au cœur des programmes de coopération qui lui permettront de résoudre ses problèmes politiques, économiques et sociaux. Les conflits en Afrique ont eu un impact massif sur les perspectives de stabilité à long terme et de développement économique et social du continent. La paix et la sécurité constituent donc une pierre angulaire pour l’atteinte de l’émergence socioéconomique.

L’Afrique peut revenir sur la bonne voie. Elle doit juste mettre en place des politiques sécuritaires qui feront de son continent une zone de prospérité car elle regorge des richesses naturelles abondantes, mais surtout appliquer la bonne gouvernance ; la répartition équitable de ses richesses ; une politique sociale de bien-être ; une politique éducative : l’école accessible à tous ; le respect de la constitution ; le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles ; et une politique financière rigoureuse. L’UA devrait édicter des normes rappelant à ses pays membres que sans bonne gouvernance, il n’y a ni développement, ni paix véritable, ni sécurité réelle ; et sans paix, ni sécurité, il n’y a ni développement durable, ni investissement.

La corruption et le détournement de fonds publics minent la paix, la sécurité et le développement économique et social de l’Afrique

L’Afrique est le troisième continent créateur de richesses dans le monde, et depuis 1994 elle a un taux de croissance global de 5%. En 2013, pour la première fois de son histoire, elle a contribué à hauteur de 6% au PIB mondial. L’Afrique est le continent le plus pourvu en ressources minières, agricoles, humaines et foncières. Mais en Afrique subsaharienne, la moitié de la population survit avec un dollar par jour et 25% avec deux dollars, cela signifie que 75% de ces populations survivent au seuil de la pauvreté, ce qui constitue un risque majeur d’éclatement de la cohésion sociale.

Le monde vit une période exceptionnelle, la plupart des pays africains connaissent des problèmes de corruption et de détournement de fonds publics, ce qui mine la paix et la sécurité de ces pays. La criminalité économique (corruption, détournement de fonds publics, mauvaise gouvernance politique et économique) est la principale source de pauvreté, de conflits et d’insécurité en Afrique. Ces actes de criminalité économique ont un effet immédiat sur l’éducation, la santé, la croissance et le développement, la gouvernance, l’environnement et la société.

Si les États africains ne combattent pas la criminalité économique avec fermeté, les périodes à venir risquent d’être marquées par la prospérité de la corruption, du détournement des fonds publics, des conflits et le déclin de la morale de la rectitude. Les Africains doivent intégrer que la corruption, le détournement des fonds publics, la mauvaise gouvernance appauvrissent l’Afrique, tuent la solidarité africaine et créent les conflits.

Francis Dooh Collins