Cour royale : le Makoko désigné sans complaisance, dixit la reine Ngalifourou

Jeudi 9 Décembre 2021 - 16:10

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Cent-douze jours après l’inhumation du 17e Makoko Auguste Nguempio, le 31 juillet, la reine Ngalifourou a désigné Michel Ganari Nsalou 2, 18e Makoko, le 20 novembre, après que ce dernier lui a été présenté par le premier vassal Ngaïlino. Cette désignation a depuis lors suscité des remous au sein du royaume, provoquant la dissidence de trois vassaux sur neuf environ. Les Dépêches de Brazzaville se sont rapprochées de la reine Ngalifourou, chargée spirituellement de désigner le roi, pour éclairer la situation.

Assise confortablement sur son trône royal, toute vêtue en rouge couleur symbolisant le pouvoir, la reine Ngalifourou, casque colonial blanc (légué par la première reine Ngalifourou- reine souveraine d’Afrique) sur sa tête, reçoit aimablement l’équipe de reportage des Dépêches de Brazzaville dans son palais de Ngabé. Sereine, elle écoute loyalement ses hôtes avant d’apporter des éclaircissements sur certains points et inviter le peuple téké à l’unité autour du roi.  

A la question de savoir pourquoi il y a dissidence de trois dignitaires au sein de la cour royale depuis la désignation du 18e roi, la reine répond avec clarté. La situation est très claire. La désignation du 18e roi s’est faite selon les règles de l’art. Gardienne du sanctuaire “Nkwembali” d’où sortent les rois, la reine Ngalifourou dit Ngantsibi précise que c’est elle qui est chargée spirituellement de désigner les rois et c’est à ce titre qu’elle a installé le 18e roi, Michel Ganari Nsalou 2. C’est de la même manière qu’elle avait installé dans leurs fonctions les rois Pierre Mielami Wawa, 15e Makoko; Gaston Ngouayoulou 16e Makoko, Auguste Nguempio, 17e Makoko, et maintenant, Michel Ganari Nsalou 2, 18e Makoko. Il n’y a pas d’amalgame, dit-elle.

Quant à la question de savoir pourquoi n’étant pas la femme légitime du roi, c’est elle qui doit reconnaître l’authenticité des différents prétendants au trône et les investir avant l’intronisation. Elle répond qu’en sa qualité de gardienne du sanctuaire "Nkwembali", c’est cet esprit qui incarne le pouvoir traditionnel téké qui lui demande de lui trouver un mari. Expliquant, par exemple, qu’après la mort du roi Auguste Nguempio, le trône royal est resté vacant pendant plus de cent jours et le "Nkwembali" commençait par l’emmerder, pour la simple raison que le veuvage avait trop duré. C’est ainsi qu’elle a fait appel aux vassaux, à commencer par le premier vassal Ngaïlino, lui demandant de lui trouver un mari, parce que le "Nkwembali" ne cesse de l’acculer. C’est donc le collège royal qui se réunit pour trouver à la reine un successeur valable remplissant tous les critères. Cela ne se fait pas au hasard. C’est ainsi que les dignitaires se sont lancés dans la recherche en procédant par l’enquête de moralité. A la fin, ils ont trouvé un roi, Michel Ganari Nsalou 2 (fils du 13e roi Alphonse Nsalou). C’est pour dire que le choix du roi se fait sans complaisance, a fait savoir la reine.

La reine, la seule à désigner le roi

Aussi, l’esprit royal de "Nkwembali" dit que c’est la femme qui est gardienne du "Nkwembali" qui désigne le roi. Parce que spirituellement le roi est le mari de "Nkwembali". Comme c’est elle qui est la gardienne du "Nkwembali", elle a le droit d’être appelée reine- épouse du roi. C’est spirituel, ce n’est pas comme à l’état civil où la reine est la femme du roi. « Depuis les temps anciens, la reine est celle qui garde le "Nkwembali" et le "Nkwembali" étant spirituellement la femme du roi, automatiquement je suis la femme du roi. Comme en français on dit que la femme du roi est la reine, voilà pourquoi on m’appelle reine et cela depuis la première reine souveraine d’Afrique noire, la reine Ngalifourou, décédée en 1956. J’ai donc hérité d’elle, voilà pourquoi on m’appelle la reine Ngalifourou », a-t-elle expliqué.

Expliquant le nom Ngalifourou, elle a dit : « Chez nous, au sanctuaire "Nkwembali", il y a la cendre qu’on imbibe sur le visage du roi. C’est une cendre sacrée qui protège la personne royale. Les intellectuels assimilent cela à la fumée blanche qui sort lorsque les cardinaux désignent un pape (c’est peut-être une analogie avec la Bible), mais chez nous, c’est traditionnel depuis nos ancêtres. Nous appelons ça Ngalifourou qui veut dire la propriétaire de la cendre ».

Pour des besoins d’éclaircissement et de compréhension, la reine a répondu à la question de savoir comment on doit appeler la femme légitime du roi.  Selon elle, la femme légitime du roi est appelée Ngassa. Elle prend le titre de Ngassa lorsque la reine et les dignitaires l’investissent à la suite d’une cérémonie appelée "Lissé", une cérémonie à laquelle ils lèguent pleins pouvoirs au roi. « Pour le moment, le roi qui est là a un pouvoir partagé avec moi. Le "Nkwembali" , pour le moment, c’est moi qui le détient. Le jour où l’on va l’introduire dans la cérémonie "Lissé", je transférerai le "Nkwembali" chez lui là où il va résider. A ce moment-là, la femme que je vais charger de garder ce "Nkwembali" avec lui est appelée Ngassa et c’est la femme privilégiée du roi. C’est celle-là qui mériterait le titre de reine. Donc, il y a dans mon pouvoir deux reines, moi d’abord qui détient le "Nkwembali" et la Ngassa à qui je vais transférer le "Nkwembali" lorsque j’aurai accompli la cérémonie du sacre "Lissé" chez son mari », a-t-elle signifié.

Malheureusement, a-t-elle poursuivi, tous les rois ne sont pas passés par "Lissé" qui est une cérémonie du sacrifice. En effet, après "Lissé", le roi ne met pas beaucoup de temps, c’est pourquoi nombreux ne sont pas passés par cette cérémonie.

Enfin, expliquant ce que veut dire le "Nkwembali" et pourquoi c’est à elle de garder ce sanctuaire, la reine a dit que le "Nkwembali" c’est l’esprit divin des Tékés, c’est un totem qui les protège tous. Et la gardienne qui est chargée de l’entretenir doit être de bonne moralité et remplir les critères. Elle doit respecter les commandements qui sont assimilés aux dix commandements de la Bible, ne tue pas, ne vole pas, ne ment pas, … Le "Nkwembali" a pour missions la paix, l’hospitalité, l’amour pour le prochain. « C’est pourquoi, moi qui incarne le "Nkwembali", je suis en communion avec le roi que je viens d’investir. Je suis en communion avec les autorités de la République. Ceci étant, j’appelle tous les citoyens Tékés à s’unir, à s’aimer, à venir avec nous construire le pays dans la paix, respecter les autorités, respecter les règles établies et faire du Congo une terre où il fait bon vivre », a-t-elle déclaré.

Rappelons que l’actuelle reine Ngalifourou est la troisième après la souveraine qu’on appelait Ngantsien, puis Abamoundzou. Elle est la petite fille de la première reine Ngalifourou (décédée en 1956 et inhumée en 1957, soit une année après).

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

La reine Ngalifourou assise sur son trône à Ngabé / Adiac

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