Théâtre : « Plus que large », le discours sans filtre des rondes

Mercredi 15 Mars 2023 - 10:15

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Le sans gêne des quatre joyeuses délurées du Collectif XXL s’offrant en spectacle sur les planches du Centre Wallonie-Bruxelles partageant confidences, réflexions ingénues sur leurs déconvenues a beaucoup plu et amusé le public interpellé sur les manières inconvenantes affichées à l’encontre des grandes tailles, le 10 mars dernier.

 

Francisca Kobange et Déborah Pezit en pleine discussion au sport (Adiac)La représentation du quatuor Francisca Kobange, Antho Sifu, Furaha Ngoya et Déborah Pezit à la grande première de « Plus que large » a fait mouche. La salle attentive aux propos des quatre dames aux formes généreuses a souvent réagi bruyamment. En effet, comment ne pas l’être face aux quatre grandes tailles de 42 à 48 qui se racontent et racontent leur quotidien avec une franchise désarmante ? Elles ont le génie d’explorer presque tous les contours, les contextes autour des rondeurs. Il y a au moins sept cas de figure dans cette pièce où les femmes ont presque tout le temps l’âme en peine. « On m’a traitée de grosse » est la première phrase qui le traduit plutôt bien. Heureusement, pour la mère célibataire de 30 ans, il y a ce fils, comme elle dit, qui est «  la joie de ma vie ». Ici, les pleurs de la première se transforment en chant d’allégresse. C’est en chantant que la jeune mère comblée dit le bonheur que lui apporte son fils Imani.

Si le sport aide à garder la forme, dans « Plus que large », c’est bien plus que cela. Un aveu clair est fait à ce sujet : « Il compte énormément, le regard des autres ». Pourtant, c’est la moins forte des quatre qui s’exprime de la sorte. Et, paradoxalement, c’est la plus corpulente, 123 kg, qui affirme : « Je me suis affranchie de tous ces regards-là ». Et donc, « J’ai appris à aimer mon corps, à m’aimer moi-même ». Cette conversation entre adultes dont le ton léger a fait rire est interrompue par une bien grave déclaration qui sonne comme un appel à la raison. « Un enfant de 11 ans reste un enfant, quelles que soient les proéminences de ses formes. Une fille de 12 ans reste un bébé », entend-on. Telle est la rude introduction au récit du viol de Matondo. « Que reste-t-il à une enfant lorsque nous lui ôtons sa plus grande part d’innocence ? », cette question a pour effet de refroidir la salle. Et, à y ajouter ces tristes confidences : « A 20 ans, j’étais déjà mariée », ne détend pas l’atmosphère. Surnommée « La baleine », la jeune épouse est la risée de sa belle-famille mais aussi de son propre époux, la misère ! Le ton de la pièce devenu plus sérieux se veut finalement interpellateur : « Si c’était votre enfant, fille ou femme. Mieux, et si c’était vous ? ». Les « abuseurs d’enfants et violeurs de femmes » sont clairement pointés du doigt.Les rondes étalant leurs dessous après la lessive (Adiac)

Les femmes n’épargnent pas les femmes

Mise en scène par Wedou Wetungani, «Plus que large» ne dénonce pas que les regards concupiscents des hommes, les attitudes pour le moins vicieuses de « ceux qui se frottent à vous dans les transports ». Les rondes ont aussi « marre des moqueries, railleries des minces » ! Oui, les femmes n’épargnent pas les femmes, hélas ! L’avant-dernier tableau est éloquent, les commérages alimentent une méchante conversation. Deux infirmières critiquant le médecin qui fait une entrée loin de passer inaperçue. Sa robe moulante rouge et ses hauts talons suscitent une vive antipathie. « Qu’est-ce que les hommes leur trouvent à ces rondes ? », se questionnent-elles allant jusqu’à mettre en doute ses compétences. Mais c’est sur une note joyeuse, festoyant dans une boîte de nuit que se ferme le rideau. Et qui plus est, chacune des XXL y va de sa déclaration pour se décrire en s’assumant.

En boîte de nuit, décontractées, les rondes prennent du bon temps (Adiac)Pour Ketty Luwenyema « Plus que large » a vraiment du sens. La manager principale et fondatrice de l’agence événementielle «Rond’elles », ronde de son état, relève une incongruité : « Il y a tout de même un paradoxe dans notre société. Ces femmes aux formes généreuses sont soit adulées, soit rejetées et pas assumées alors que selon les standards africains, la femme ronde est la mieux représentée ».

Partenaire du Collectif XXL à qui elle offre un appui inconditionnel, elle a confié au "Courrier de Kinshasa" s’être « retrouvée » dans «Plus que large ». Et, si elle est d’avis que « cette pièce a exploité plusieurs contours de la réalité », il y a néanmoins un petit bémol. « Très souvent, c’est l’aspect négatif qui est mis en exergue alors qu’à mon avis, les rondeurs c’est un atout. Je crois que c’est cette considération-là qu’il faudrait le plus mettre en avant », a-t-elle dit, poursuivant : « Nous en avons parlé avec l’équipe. C’est une problématique que nous ne pouvons pas négliger. Dans les prochains tableaux, le sujet sera pris en compte. Il y a de la matière pour aborder la question dans tous les sens ».

Par ailleurs, Ketty Luwenyema a souligné que « "Rond’elles" est une agence atypique qui met en avant les femmes rondes. Une approche loin d’être terre-à-terre qui ne viserait que le physique ou l’esthétique. Elle aborde la question des femmes fortes en ratissant plus large, mettant en avant le travail de la femme ronde et la santé mentale qui n’est pas beaucoup exploitée, à savoir comment la femme ronde se sent-elle dans cette société paradoxale et hypocrite ». Et donc, conclut-elle à propos du Collectif XXL : « Cette troupe mène sur un autre front le combat que moi je mène parallèlement avec l’agence "Rond’elles". C’est une belle collaboration qui, je le sais, portera des fruits ».

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1-Francisca Kobange et Déborah Pezit en pleine discussion au sport /Adiac 2-Les rondes étalant leurs dessous après la lessive /Adiac 3-En boîte de nuit, décontractées, les rondes prennent du bon temps /Adiac

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