Diplomatie : le Pape, artisan discret du rapprochement entre les USA et Cuba

Lundi 29 Décembre 2014 - 9:59

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Le pape François aurait fait exprès qu’il n’aurait pu faire mieux : mercredi 17 décembre,  il a fêté son 78è anniversaire par une série de gestes tous aussi symboliques les uns que les autres, alors que l’histoire tournait une page.

 Un groupe de SDF (sans domicile fixe) est venu le rencontrer sur la Place Saint-Pierre avec un bouquet de tournesols - « achetés. Pas cueillis dans les champs » - pour lui témoigner leur espérance : « cette fleur suit le mouvement du soleil ; c’est la fleur de l’espérance. Nous te suivons ». Un autre groupe, des handicapés venus d’Argentine son pays, est venu lui faire ses vœux. Des danseurs de tango, danse emblématique de l’Argentine, se sont exhibés sur la Voie de la Conciliation qui marque la « frontière » entre l’Italie et le Vatican. Des nombreux messages, des manifestations d’affection de l’Eglise et de la Communauté internationale sont arrivés sur son bureau, à commencer par celui du président italien Giorgio Napolitano, le communiste athée qui s’est découvert une grande affinité avec le chef de l’Église catholique. Il s’agit d’une allégresse générale qui s’est saisie des gens ordinaires, bien en contraste avec la volonté du pape de conserver discrétion et sobriété autour d’un événement auquel il a voulu conserver son caractère privé.

Le pape argentin a pu aussi prendre connaissance, mercredi, du véritable « tabac » qu’il fait chez les fidèles. Les chiffres de ses audiences générales, grands rendez-vous hebdomadaires au cours desquels il donne son enseignement public aux foules, les mercredis Place Saint-Pierre à Rome. 1.199.000 personnes sont venues à ces audiences générales cette année : record battu en mai (205.000 personnes), flop relatif en août (25.000 personnes ‘seulement’. C’est le temps des vacances).

Le vrai cadeau

Mais c’est l’annonce du rétablissement des relations diplomatiques interrompues depuis 1962 entre les États-Unis et Cuba qui a sans doute représenté le cadeau le plus emblématique de cette journée-anniversaire du pape François. Car dans leurs déclarations officielles simultanées, aussi bien le président Barak Obama que le commandant Raul Castro de Cuba ont rendu hommage au rôle, discret mais déterminant, que le pape François a joué dans ce spectaculaire aboutissement. Patiemment, avec des pays qui ont voulu jouer le jeu comme le Canada, le Vatican s’est attelé à rapprocher les points de vue, à limer les aspérités. Il a su mettre sa puissante diplomatie au service de cette cause, aidée par le travail de son réseau de nonces apostoliques et même par le coup de pouce décisif des évêques catholiques cubains et américains.

Recevant jeudi au Vatican, les lettres de créance d’une quinzaine de nouveaux ambassadeurs (dont quatre africains : Rwanda, Tanzanie, Mali, Togo), le pape a rappelé que « le travail d’un ambassadeur est un travail fait de petits pas, de petites choses qui finissent par réaliser la paix, semer la fraternité parmi les peuples. Aujourd’hui nous sommes tous contents, parce que nous avons comment deux peuples qui s’étaient éloignés pendant de si nombreuses années ont accompli, hier, un pas de rapprochement. Cela a été rendu possible par des ambassadeurs, par  la diplomatie ».

Le succès du pape dans cette affaire n’est pourtant que le dernier « des petits pas » décisifs du Souverain pontife en diplomatique. Qu’on se rappelle, en juin dernier : il avait déjà réussi le coup de maître de faire prier côte à côte, au Vatican, les présidents israélien de l’époque, Shimon Peres et palestinien, Mahmoud Abbas. Et puis l’an dernier, alors que les bombardiers de l’ONU chauffaient déjà leurs moteurs, il avait obtenu que la communauté internationale ne bombarde pas la Syrie. Or c’est au cours de cette année qu’il a secrètement engagé sa diplomatie auprès des Américains et des Cubains.

« Le Saint-Père désire exprimer sa grande satisfaction pour la décision historique des gouvernements des États-Unis et de Cuba d’établir des relations diplomatiques, afin de surmonter, dans l'intérêt de leurs citoyens respectifs, les difficultés qui ont marqué leur histoire récente », a annoncé le Saint-Siège mercredi. Un pape argentin – et donc américain – pour dénouer une crise que l’on croyait bétonnée pour des années, justifie bien le propos du président américain Obama : « somos todos americanos » : nous sommes tous Américains. Un Américain a résolu une crise américaine.

Lucien Mpama