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1997-2017 : la longue marche de l'Agence d'Information d'Afrique Centrale

Samedi 19 Août 2017 - 12:53

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Alors que Les Dépêches de Brazzaville s'apprêtent à publier, vendredi, leur trois-millième numéro il n'est pas inutile de rappeler comment est né ce journal, ou plus exactement le groupe de presse qui l'édite.

Le prélude de cette belle aventure s’écrivit il y a tout juste vingt-et-un ans alors que Denis Sassou N'Guesso vivait à Paris et préparait son retour au Congo en vue de l'élection présidentielle dont la tenue était prévue pour le premier semestre de l'année 1997. Etant alors vice-président du groupe de presse Jeune Afrique, j'avais été mis en relation avec lui par un ami afin d'évoquer les grandes questions qui se posaient ou se poseraient inévitablement dans l'immense Bassin du Congo profondément meurtri deux ans auparavant par le génocide rwandais.

De cette conversation à bâtons rompus sur le devenir de l'Afrique centrale est née l'idée de faire mieux connaître la vision que l'ancien et probablement futur homme d'Etat avait du devenir de cette partie du continent africain.  Et c'est ainsi que fut publiée dans la célèbre Revue des deux mondes – fondée en 1829 et donc la plus ancienne revue publiée en Europe - une étude dans laquelle Denis Sassou  N'Guesso analysait la situation présente de la sous-région et dessinait les contours des transformations à venir (1).

L'ayant accompagné lors de son retour à Brazzaville, au mois de janvier 1997 j'ai été prié, quelques semaines plus tard, de quitter Jeune Afrique. Ce qui m'a amené à jeter les bases d'un organe de presse qui pourrait couvrir l'actualité du monde en devenir que Denis Sassou N'Guesso avait décrit dans la Revue des deux mondes.  Ainsi est née l'Agence d'Information d'Afrique Centrale (ADIAC) qui a joué un rôle important dans la diffusion d'informations justes et vérifiées sur ce qui arriva réellement au Congo lorsque le président Pascal Lissouba décida d'empêcher la tenue de l'élection présidentielle et tenta de faire abattre le candidat déclaré Sassou N'Guesso.

Tout au long des guerres civiles de 1997 et 1998, l'ADIAC a été l'un des organes de presse qui suivait cette actualité tragique avec le plus de sérieux. Ce qui lui a permis, au sortir de ces tragédies et alors que le Congo entamait sa reconstruction, de réunir les moyens nécessaires pour bâtir un véritable groupe de presse écrite avec, d'une part, l'agence qui diffusait en continu des dépêches et d'autre part un magazine qui paraissait chaque mois.  Ainsi sont nées Les Dépêches de Brazzaville qui ont séduit nombre de lecteurs au point que nous avons été amenés à accélérer le rythme de parution de cette publication qui est devenue bihebdomadaire, puis hebdomadaire.

L’avènement du quotidien

C’est alors qu’en 2007, il y a donc dix ans, l’idée folle nous a traversé l’esprit de faire de ce journal un quotidien : idée folle car le Congo était l’un des rares pays d’Afrique qui n’avait aucun quotidien ; idée folle car il fallait trouver les moyens financiers et surtout le capital humain sans lequel un tel projet ne pouvait voir le jour ; idée folle car nul ne savait quel serait l’accueil réservé par le public à un tel média. Mais idée juste puisqu’il est apparu dès leur lancement que Les Dépêches de Brazzaville remplissaient le vide médiatique que de nombreux Congolais vivaient mal jusqu’alors. Si bien qu’en quelques mois des milliers de lecteurs se sont abonnés, ou ont acheté le journal dans la rue, faisant du même coup du premier quotidien congolais un organe de presse incontournable.

Ce succès s’est avéré tel que trois ans plus tard les machines utilisées pour imprimer le journal se sont avérées dépassées, obsolètes empêchant de facto celui-ci de fabriquer tous les soirs un nombre d’exemplaires suffisant pour satisfaire la clientèle. Un constat à la fois positif – l’engouement des lecteurs – et négatif – le blocage technique inévitable – qui nous a amené à franchir une nouvelle étape du développement de l’Agence d’Information d’Afrique Centrale en achetant en France deux rotatives qui sont des machines à très haut rendement : l’une de type Gazette qui peut imprimer chaque nuit 20.000 exemplaires d’un journal comptant jusqu’à 32 pages ; l’autre  de type Zyrkon pouvant imprimer en couleurs et dans différents formats des revues, livres et documents divers parmi lesquels figurent en bonne place les bulletins de vote nécessaires pour la bonne tenue des scrutins qui marquent la vie démocratique du Congo.

Dans le même temps où nous franchissions cette étape technique décisive, nous avons décidé de lancer et de développer les versions numériques de l’agence et du quotidien. Installées sur le web, celles-ci ont aussitôt connu un grand succès car elles permettent aux Congolais de la diaspora, mais aussi aux observateurs étrangers sur les cinq continents d’avoir un accès direct à nos deux médias. Résultat des courses si l’on peut dire, l’Agence d’Information d’Afrique Centrale et Les Dépêches de Brazzaville ont acquis une notoriété internationale qui les place désormais dans le peloton de tête des médias africains.

La naissance du Courrier de Kinshasa

Parvenus à ce niveau la tentation était forte, bien sûr, de s’en tenir là et de calmer pour un temps nos ardeurs. Mais le métier de journaliste, d’observateur est ainsi fait qu’il incite sans cesse au dépassement de soi. Et l’évolution générale du Bassin du Congo, avec ses avancées mais aussi ses drames, nous a convaincus que le temps est venu de dépasser les frontières nationales pour regarder avec plus d’attention ce qui se passe autour de nous afin d’en informer les lecteurs de l’agence et du quotidien. D’où l’installation à Kinshasa d’un bureau de presse et l’insertion chaque jour, dans les Dépêches de Brazzaville, de plusieurs pages consacrées à l’actualité de la République Démocratique du Congo. Une initiative qui nous a permis de prendre la juste mesure de l’unité profonde du Bassin du Congo et de la proximité croissante des deux capitales les plus proches au monde, Brazzaville et Kinshasa.

Trois ans après le lancement de cette deuxième édition, il nous est apparu qu’en dépit des tensions de toute nature qui minent ce pays la presse écrite a de beaux jours devant elle en RDC également dès lors qu’elle relate de façon objective les évènements qui en marquent le quotidien. S’est imposée alors l’idée selon laquelle nous devrions franchir un nouveau pas en avant en créant un second quotidien, Le Courrier de Kinshasa, qui consacrerait chaque jour six à huit pages à l’actualité du pays tout en donnant des informations sur le Congo mais aussi de façon plus générale sur le Bassin du Congo.

Un mois à peine après sa création il est impossible de dire quel sera le destin de ce deuxième quotidien. Mais nous ferons tout dans les mois à venir pour qu’il remplisse pleinement sa mission qui est d’observer, de relater, de donner matière à réflexion à ses lectrices et à ses lecteurs. Notre conviction est en effet que la presse peut et doit jouer un rôle majeur dans le processus d’intégration régionale qui se dessine et qu’avait dessiné Denis Sassou N’Guesso dans la Revue des deux mondes il y a très exactement vingt ans. Une conviction qu’expriment sous différentes formes les nombreux experts qui publient des études dans la revue Emergence Tombwa que nous avons créée il y a un an dans le but d’accompagner ce mouvement historique.

Loin de ralentir notre marche en avant, le vingtième anniversaire de l’Agence d’Information d’Afrique Centrale, le dixième anniversaire des Dépêches de Brazzaville, la publication de son trois-millième numéro et le lancement du Courrier de Kinshasa marquent le début d’une nouvelle aventure que nos deux cents journalistes et collaborateurs conduiront, j’en ai l’intime conviction, avec toute la détermination et la passion qui nous ont permis de faire de ce groupe de presse l’un des plus importants du Bassin du Congo.

 

(1)Denis Sassou N’Guesso : « Grands lacs, la paix par l’intégration économique ». La Revue des Deux Mondes, juin 1997. 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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