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Boko Haram mystifie la solidarité africaineLundi 19 Mai 2014 - 0:50 Rien, ni la furia de se venger d’une quelconque humiliation, ni le rejet de la culture de l’autre, ni même la volonté déclarée de préserver les us et coutumes de chez soi ne peuvent justifier le rapt par la secte nigériane Boko Haram de plus de deux cents lycéennes innocentes. Rien ne peut non plus justifier le discours triomphaliste mais totalement éculé de cet homme, Abubakar Shekau, qui, revendiquant son forfait en tant que chef de la nébuleuse terroriste grâce aux moyens de communication inventés par autrui, prétend parler au nom d’Allah. Il est vrai, par contre, que ce qui se passe au Nigeria montre combien les États africains sont fragiles et, paradoxalement, à quel point la solidarité continentale, sur laquelle les pères des indépendances africaines misèrent pour fonder l’Organisation de l’unité africaine, ancêtre de l’actuelle Union africaine, s’est totalement délitée. Qui peut bien aider l’Afrique à se prendre en charge, à mieux gérer ses abondantes richesses mais aussi ses nombreux anachronismes? Dans quelques mois, sans doute, lorsque la date de leur rendez-vous annuel immuable arrivera à échéance, les dirigeants africains convergeront vers Addis-Abeba, capitale éthiopienne et de l’UA, pour se passer le témoin de la présidence tournante de l’organisation. À la tribune de la grand-messe chacun dira combien il est attaché à l’unité du continent, combien dans son propre pays il se bat pour réussir l’intégration de sa sous-région d’appartenance, combien de jour comme de nuit tous mettent tout en œuvre pour que l’Afrique prenne la place qui est la sienne sur l’échiquier international. Une photo de famille marquera la fin des travaux, au plaisir de se revoir dans un an. Cela pour dire qu’à la vérité, les pays africains n’ont pas dans leur globalité songé à se débarrasser du repli sur soi qui les caractérise depuis cinquante ans. On aurait en tout cas souhaité voir s’exprimer une solidarité sans faille de tous à l’égard du Nigeria après les enlèvements susmentionnés. Alors que les autorités d’Abuja, visiblement dépassées par les événements, n’ont su communiquer en temps réel, ce sont presque exclusivement les médias et les réseaux sociaux qui ont davantage mobilisé en faveur des jeunes filles et de leurs familles éplorées. La mobilisation attendue de l’Afrique pouvait par exemple se traduire par la convocation d’une réunion d’urgence de la communauté ouest-africaine. À l’échelle de l’UA, le Conseil de paix et de sécurité pouvait se réunir immédiatement afin de condamner l’acte et annoncer un appui multiforme au pays concerné. Au lieu de cela, on a plutôt assisté à un silence assourdissant des instances panafricaines. C’est plus que grave ! Sans doute, lorsqu’ils seront interrogés sur la question, les chefs d’État africains évoqueront-ils l’absence de moyens humains, logistiques et financiers pour y faire face. Ils n’auront pas tort. Mais la France, elle, n’a pas eu tort non plus de les convoquer chez elle pour échanger sur les problèmes qui concernent leurs États respectifs, les problèmes de sécurité et de stabilité, du reste récurrents, devant lesquels certains d’entre eux sont à court d’initiatives audacieuses. Ce n’est pas une honte de solliciter l’aide d’un ami en cas de besoin. D’ailleurs, vis-à-vis de l’Afrique, la France a montré au fil des événements dramatiques qui frappent l’Afrique aujourd’hui qu’elle vient toujours à son secours et demeure la « mère patrie ». En convoquant samedi dernier un sommet spécial sur le Nigeria, après ses interventions au Mali et en Centrafrique, Paris fait la preuve que son cœur bat aux côtés de l’Afrique. Jusqu’à ce que cette dernière prenne conscience qu’un ami a beau être fidèle, cette fidélité ne se consolidera pas à l’avantage des deux tant que l’une des parties tendra éternellement la main vers l’autre. Les pays africains ont intérêt à se montrer solidaires les uns des autres et peuvent, s’ils s’organisent, hâter les mécanismes de défense commune dont les contours sont plus au moins définis par eux-mêmes. Dans le cas contraire, des sectes comme Boko Haram gagneront du terrain partout. Gankama N’Siah Edition:Édition Quotidienne (DB) |