Congo/référendum : l'Union européenne propose sa médiationSamedi 7 Novembre 2015 - 13:30 Dans un courrier daté du 29 octobre, adressé au ministère des Affaires étrangères et de la coopération, la délégation de l’Union européenne à Brazzaville, s’est proposée de faciliter le dialogue entre le gouvernement congolais et l’opposition regroupée au sein de l’Initiative pour la démocratie au Congo (Idc) et le Front pour la restauration de l’ordre républicain et l’alternance démocratique (Frocad). Les deux parties sont, on le sait, divisées sur les questions de gouvernance électorale et de changement de la Constitution du 20 janvier 2002 acté dans les faits par le vote référendaire du 25 octobre dernier. L’ordre du jour proposé par la délégation européenne s’articule justement autour du dialogue avec l’opposition, de la gouvernance électorale et des droits de l’Homme. Trois thèmes principaux comportant chacun des sous-thèmes dévoilés ainsi qu’il suit : dialogue : stratégie, mesures de confiance, médiation et rôle des Nations unies, rôle de l’UE ; gouvernance électorale : stratégie, recommandations de 2002, mission d’observateurs 2016, rôle de l’UE, calendrier ; droits de l’Homme : liberté d’expression et d’accès aux médias, droit de réunion, arrestations et assignations à résidence, usage de la Force publique, enquêtes judiciaires. En apparence, même si le référendum du 25 octobre ne figure pas spécifiquement dans l’ordre du jour, la délégation de l’UE y fait référence dans son courrier expliquant qu’elle n’en a pas encore évalué le résultat. Rappelons en passant que la Cour constitutionnelle du Congo a proclamé les résultats définitifs du scrutin le 5 novembre. Ils portent à un peu plus de 94% les suffrages exprimés pour le « Oui », contre 5% pour le « Non ». Le premier obstacle que la médiation européenne devra franchir sera de départager l’opposition et le gouvernement sur cette question. Le texte a été promulgué par le président de la République le 6 novembre. On peut imaginer qu’en dépit des griefs qu’elle pourrait éventuellement énumérer en rapport avec l’organisation de ce scrutin, la médiation ne se prononcera pas contre la volonté des Congolais qui ont accepté de se rendre aux urnes pour accomplir leur devoir civique. Mais comment faire comprendre à ceux qui ont tout simplement refusé de souscrire à la démarche de voter que ce sont eux qui ont raison ? Lorsque cet obstacle sera franchi, la délégation de l’UE pourrait alors commencer sereinement la mise en œuvre de son ordre du jour. En premier lieu aussi, elle dévoilera sa composition d’autant qu’il est mentionné dans la correspondance citée plus haut, le rôle que devront jouer les Nations unies. À propos de l’ordre du jour proposé par la médiation, le premier thème parlant du dialogue entre le pouvoir et l’opposition a pour point d’orgue « les mesures de confiance ». Il s’agit sans doute de ce qui vient d’être dit supra : accorder les violons sur le sort réservé au référendum et donc à la nouvelle loi fondamentale adoptée. Les médiateurs pourraient appeler les uns et les autres, mais surtout l’opposition à regarder de l’avant, à se préparer dans le cadre de cette loi en vue des scrutins à venir. C’est en ce moment peut-être que pourrait être mise sur la table la question primordiale de la gouvernance électorale. Le détail de ce point considéré comme crucial par l’opposition et le gouvernement recèle deux sous-points importants : les recommandations de 2002 et la mission d’observateurs pour 2016. Sans avoir à disposition les recommandations en question, il se pourrait que la médiation rappelle celles que les observateurs internationaux avaient émises lors des scrutins de 2002, les premiers organisés au Congo après la guerre du 5 juin 1997. De ces recommandations, quelles sont celles qui ont été appliquées, quelles sont celles qui ne l’ont pas été, et quelles dispositions faudrait-il prendre pour améliorer le processus ? S’agissant de la mission d’observateurs pour 2016, elle sera peut-être définie en fonction du bilan des recommandations de 2002. En l’occurrence, la médiation mentionne l’année 2016 en pensant à l’élection présidentielle attendue les mois à venir. C’est à ce même titre certainement que sur ce thème de la gouvernance électorale, la médiation parle de calendrier, sans doute le calendrier électoral. Vient enfin le point sur les droits de l’Homme. Aussi important que les autres thèmes de l’ordre du jour du dialogue envisagé, il y est suggéré la liberté d’expression et d’accès aux médias, en particulier des médias publics. Ce ne sera peut-être pas le plus difficile à obtenir surtout si les politiques prennent en considération qu’en dépit de la passion qui les anime, ils doivent apaiser l’opinion sur l’usage qu’ils font de ces instruments dont la sensibilité n’est plus à démontrer, notamment si le contexte ne prête pas à la surenchère inutile. Même chose aussi pour le droit de chaque parti ou association de se réunir librement. Quant au sous-point sur « les arrestations et assignations à résidence », son inscription à l’ordre du jour a dû être motivée par la situation qui a prévalu le 20 octobre. Les dirigeants de l’opposition pris dans cette tourmente étant désormais libres de leurs mouvements, les recommandations sur le sujet disposeront sans doute pour l’avenir. Ce point est très proche de celui relatif à « l’usage de la Force publique ». C’est évidemment un point délicat. En même temps qu’elle doit œuvrer au rétablissement de l’ordre public lorsqu’il est troublé, la Force publique doit faire preuve de professionnalisme à toute épreuve. C’est en particulier ce qui a été observé durant les troubles dont il est question. Les pertes en vies humaines survenues lors des échauffourées font dire qu’il faut des acteurs politiques suffisamment de retenue pour éviter ce genre de situation. Attention cependant à ce que les manifestations publiques lorsqu’elles sont autorisées se déroulent dans la plus grande quiétude et que les hommes chargés de veiller à ce qu’il en soit ainsi ne deviennent pas la cible de manifestants violents, parfois de gens incontrôlés à la recherche de l’incident. C’est bien pour cela, sans doute, que l’ordre du jour longuement commenté dans ce papier chute sur un point tout à fait capital : les enquêtes judiciaires. Il est sûr et certain que la justice sera appelée à diligenter les procédures liées au comportement des uns et des autres durant les moments de trouble, de façon à faire la part des choses entre ce qui est reproché à une personne interpellée et les actes réels qu’elle aurait posés. Cela s’appelle l’État de droit que chacun appelle de ses vœux. À tout prendre, disons qu’une fois bien huilée, la médiation qui s’annonce pourrait permettre à ceux qui ne le croient pas encore de sauver la face en souscrivant à l’idée de ramener la paix et la quiétude dans le pays et de faire la politique pour l’intérêt général. Or l’intérêt général conseille un peu d’humilité et de réalisme. Gankama N'Siah Notification:Non |