Entreprises publiques transformées : un régime protecteur consolidé dans la crainte des saisies de patrimoineSamedi 29 Mars 2014 - 16:48 Le ministère du Portefeuille a organisé du 28 au 29 mars à l’hôtel Fleuve-Congo un panel d’experts pour réfléchir sur la protection des biens et droits de l’État et des entreprises. Depuis 2008, le pays a initié d’importantes réformes touchant une vingtaine de ses entreprises publiques au bord de la faillite. Après une étape de transformation juridique, elles sont devenues des sociétés commerciales, et le grand défi est désormais d’arriver à les rendre compétitives dans des secteurs libérés de tout verrou protectionniste. Outre cette transformation juridique, il y a l’étape très importante de la transformation économique pour relancer ces entreprises publiques qui se trouvent dans des situations de précarité extrême : diminution des capitaux propres, augmentation de l’endettement, progression des charges financières et diminution de la trésorerie. Comme l’a expliqué la ministre du Portefeuille, Louise Munga, qui a réussi à mobiliser tout le monde (membres du gouvernement, secrétariat permanent de l’Ohada, corps diplomatiques, partenaires au développement, autorités provinciales, mandataires publics, etc.) autour de la question, la première cure administrée aux entreprises du secteur public a consisté à mettre en œuvre des plans de stabilisation et de redressement, notamment pour les cas de la Régie des voies aériennes, la Société nationale de chemin de fer, la Société commerciale des transports et ports, la Générale des carrières et des mines, la Société commerciale des postes et télécommunications, la Régie de distribution d’eau de la RDC et la Société nationale d’électricité. La seconde option visait à assainir leurs comptes. Certes, il y a eu des résultats. Ces plans de stabilisation et redressement ont donné lieu à la mise en place des missions d’assistance technique et des programmes d’investissements prioritaires, comme pour la SNCC. Pour la seconde option, des règles ont pu être établies pour la reprise par l’État des passifs non assurables des entreprises transformées en sociétés commerciales. En dépit d’une légère amélioration, la situation de vulnérabilité est demeurée préoccupante, en raison du lourd endettement et du risque potentiel de saisie du patrimoine. Pour poursuivre la réforme sans risque, le gouvernement a mis en œuvre un moratoire pour protéger ses entreprises. Mais cette protection ne l’empêche pas d’instaurer des règles rigoureuses de gouvernance reposant sur une culture de résultats et de performance. Le principe d’un régime protecteur clarifié par le législateur national est déjà établi par le droit Ohada auquel la RDC a adhéré. Aussi les différentes commissions en place ont-elles réfléchi sur les notions du domaine public de l’État et la problématique des biens des entreprises publiques, la question de l’immunité d’exécution et de l’insaisissabilité des personnes morales de droit public, la portée et les limites des droits des créanciers et la sécurisation des patrimoines fonciers de l’État. Cela a conduit au choix des personnalités scientifiques et politiques de renom pour animer les débats au sein de ces commissions durant deux jours. À terme, le gouvernement espère tirer de ces échanges constructifs une détermination des biens insaisissables et des personnes morales devant jouir de l’immunité d’exécution. Conformément à l’article 30 de l’Acte uniforme, l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne s’appliquent pas aux personnes bénéficiant d’une immunité d’exécution. Cependant, cet article Ohada est muet sur la notion des personnes physiques ou morales bénéficiaires de l’immunité d’exécution. La loi nationale vient donc combler ce vide. Dans son entendement, Louise Munga a défini les personnes morales comme l’État et ses démembrements, les institutions de droit public dotées de la personnalité juridique ainsi que les établissements publics. Quant à la notion d’entreprise publique, elle s’applique aux vingt entreprises transformées en sociétés commerciales. Au regard de l’incapacité de distinguer les actifs propres des entreprises de ceux appartenant à l’État au stade actuel des inventaires, le législateur doit aussi clarifier les biens qui font partie du domaine public de l’État, et ne peuvent pas à ce titre faire l’objet d’une appropriation privée. Nous y reviendrons. Laurent Essolomwa |