Chronique « Renessence » : la différence dans l'enfance

Vendredi 6 Septembre 2024 - 10:25

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Parce qu'elle est une maladie qui sévit particulièrement dans l'enfance, la drépanocytose induit la différence des enfants qui en souffrent. Surprotégé ou marginalisé, au centre de l'attention ou relégué au banc de touche, l'enfant différent est traîné ou laissé tel un boulet par chaque famille qui essaie, à sa manière, de s'adapter à lui.

Épineuse et délicate est la question de la place et de la relation des uns et des autres avec l'enfant drépanocytaire au sein de la famille.

Avant d'aller affronter le regard des autres à l'extérieur qui n'est pas toujours favorable, il faille essayer de trouver sa place au sein de sa famille, auprès des siens.

Seulement voilà, un enfant drépanocytaire est à part pour la simple et bonne raison que son état de santé le contraint à une panoplie de règles d'hygiène de vie, de soins médicaux tous préventifs et curatifs. C'est donc un enfant qui recquiert sur un plan tout à fait objectif la vigilance de ses parents, mais aussi à peu près toutes leurs ressources financières du fait de la prise en charge coûteuse et enfin toute leur énergie physique et émotionnelle.

En effet, un enfant malade donne à être dans un état constant d'hyper-vigilance, emmène ses temps de crise et de maladie, dans des conditions et tracasseries des hospitalisations, des recherches de sang et des attentes stressantes du mot des médecins, une mobilisation d'énergie telle que les parents souffrent de façon exponentielle de cette situation.

Chaque parent réagit alors à sa façon. Si les mères sont souvent et de façon tout à fait ignorante accusées d'être responsables de l'état de leur enfant et sont abandonnées par des maris démissionnaires, elles n'ont pas toujours toutes les ressources pour en faire face.

Conscientes ou inconscientes, elles soufflent le chaud ou le froid, surprotègent l'enfant qui doit vivre et réussir à tout prix pour prouver au mari parti et au monde qu'ils avaient tort, que leur enfant a autant de valeur que les autres. Elles surinvestissent alors sur un enfant au détriment des autres, l'entourent de toutes les affections, le chargent de tous les espoirs ou au contraire, l'accusent de tous les maux, du départ de leur mari, du rejet de leur famille et de leur incapacité à économiser, à épargner à cause de ce trou dans la poche que représente la santé de leur enfant.

Le pauvre enfant, que nous avons aussi été, ne sait jamais tout à fait comment se conduire dans une atmosphère où il est visiblement pris pour cible. Il voit bien qu'il est traité différemment des autres enfants. Tous les égards lui reviennent mais aussi tous les excès, tous les dérapages. Il se voit balloté dans un traitement qui va d'un extrême à l'autre où l'équilibre est toujours quasi inexistant. Bien qu'il soit le centre de l'attention, il ne se sent pas pour autant valorisé.

C'est un enfant-objet à qui nul n'accorde la liberté de l'initiative, dont l'avis n'est jamais pris en compte par les uns et les autres, un enfant qui dépend de tout le monde et qui ne peut consensuellement aider personne. C'est un enfant qui n'est alors pas respecté des uns et des autres parce qu'il n'a pas l'occasion de participer à la vie de la famille, de faire valoir ses apprentissages, ses aptitudes et ses acquis. C'est un enfant qui va alors se retourner vers lui-même et faire preuve assez tôt d'une précocité, d'un sens de l'observation et d'une maturité qui vont ajouter à sa différence.

Une différence qui emmène une seconde différence, un terreau favorable au rejet social et à la stigmatisation, chemin de croix oblige.

 

 

Princilia Pérès

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