Franc CFA : quatre économistes appellent à « sortir l’Afrique de la servitude monétaire »Lundi 3 Octobre 2016 - 12:45 Quatre économistes viennent de coécrire un ouvrage, à paraître le 3 octobre (Editions La Dispute), intitulé « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA ? ». L’ouvrage sort quelques jours après la réunion de la zone franc à Paris (30 septembre), quelques jours avant la réunion avec les institutions de Bretton woods à Washington (6-9 octobre), une semaine après l’annonce prochaine de la démission du secrétaire général adjoint de l’ONU et secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Carlos Lopes. Les auteurs sont: l’ancien ministre togolais Kako Nubukpo; le Français Bruno Tinel; maître de conférences au Panthéon-Sorbonne; le Sénégalais Demba Moussa Dembélé, président du Forum africain des alternatives et l’économiste et sociologue camerounais, Martial Ze Belinga. Fervent opposant au franc CFA, pour Kako Nubukpo, il ne faut pas « déconnecter le débat monétaire du débat sur l’émergence africaine ». L’ampleur du transfert des profits dans la zone franc CFA Ces auteurs, très critiques, considèrent le franc CFA en partage, comme une monnaie de singe, un vestige de l’histoire économique de l’Afrique, une monnaie pour le pire », pour les quinze pays d’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale et les Comores, « des mauvais restes de la colonisation », arrimés à l’Euro. Ils soutiennent que cette monnaie ne sert que des « élites fortunées » en leur permettant « de bénéficier d’un accès privilégié au marché mondial par une monnaie « aussi bonne » que l’euro ». Ils s’appuient sur les performances économiques « faibles et en dessous des moyennes africaines » pour la majorité des pays ayant en partage le franc CFA depuis les cinquante dernières années. Pour eux, la finalité principale du franc CFA est toujours de faciliter l’extraction du surplus économique de l’Afrique vers l’étranger. Ce qui expliquerait, disent-ils, l’ampleur des transferts de profits et des flux financiers illicites, saignant la zone franc. Le franc CFA : une monnaie dysfonctionnelle Une « monnaie dysfonctionnelle dont la combinaison avec les autres outils de politique économique donne la recette d’un cocktail économique mortifère », selon eux. Ils font remarquer que si le FCFA a pu perdurer « malgré son échec manifeste à susciter le développement, c’est parce qu’il est aussi le nom d’un système structuré de répression politique ». Ils s’appuient sur des chiffres pour démontrer que « de manière générale, les pays de la zone franc ont rarement été capables d’obtenir, sur toute une décennie, un taux de croissance moyen du PIB réel par tête supérieur ou égal à 1 % (vingt-trois décennies sur un total de soixante-cinq décennies observables, soit 35 %) ». Un environnement macro-économique qui ne favorise pas l’émergence A en croire les auteurs, quand il est dit que c’est tel pays africain qui exporte vers la France, c’est en réalité la France qui exporte vers la France. Les entreprises françaises ayant « de la liberté de transférer leurs profits de manière illimitée vers la métropole ». De plus, ils mettent en lumière « un système colonial » qui ne peut pas permettre la diversification du tissu productif, l’intégration commerciale au niveau communautaire, le développement d’une épargne domestique consistante et l’éclosion d’un secteur privé national. Au vu de leurs démonstrations, les pays africains ayant en partage le franc CFA tarderont à décoller. Soulignant les défauts de cette monnaie, « couplée aux autres outils de politiques économique dont la coloration néolibérale est de plus en plus prononcée, donne la recette d’un cocktail économique mortifère ». Ils y voient un environnement macro-économique qui ne permet pas l’émergence, alimentant plutôt des crises politiques et économiques récurrentes sur fond de misère sociale et structurelle. En conclusion, Bruno Tinel donne quelques pistes alternatives au franc CFA. Il voit le « futur ex-CFA se fondre en partie dans le projet de monnaie unique de la Cédéao sous le leadership du Nigeria ». Concernant la zone Cémac, il laisse une libre imagination. L’autre possibilité serait une zone post-CFA incluant l’Uémoa et la Cémac, limitant l’emprise du Nigeria sur ses voisins, « plus petits et moins puissants ». Noël Ndong Notification:Non |