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Pour une nouvelle gouvernance mondialeLundi 8 Septembre 2014 - 10:24 L’aggravation des tensions en Europe de l’Est qui dresse l’Otan contre la Russie, la guerre de religions qui ensanglante le Proche-Orient, la déstabilisation de la zone Sahélo-saharienne qui découle de l’implosion de la Libye, la montée des tensions en Asie du sud qui oppose la Chine et le Japon peuvent-elles déboucher sur un nouveau conflit mondial, ou sont-elles simplement la conséquence inévitable du changement des rapports de force en cours entre les grandes puissances qui, tôt ou tard, débouchera sur un nouvel équilibre planétaire ? Cette question se trouve désormais au cœur des réflexions stratégiques que mènent les gouvernements, les institutions internationales, mais aussi ce que l’on appelle les « think tanks », c’est-à-dire les centres de réflexion et de recherche sur l’évolution de l’homme et des sociétés humaines qui prospèrent sur les cinq continents. Elle ne reçoit pas dans le moment présent et ne recevra vraisemblablement pas avant longtemps de réponse crédible dans la mesure où l’espèce humaine a démontré tout au long des derniers siècles son incapacité à prévoir les tragédies et les progrès que génère sa propre évolution. Mais faut-il pour autant mettre sa tête dans le sable comme le font les autruches de la fable et s’abstenir de se projeter en avant au risque de mal interpréter les évènements auxquels nous assistons ? Évidemment non dans la mesure où ce sont les idées qui font avancer le monde depuis la nuit des temps et qui, au-delà des tragédies de toute nature qu’engendre la folie humaine, permet à notre espèce de progresser. Des affrontements qui se dessinent aujourd’hui en différents points du globe peut assurément naître un chaos pire que celui provoqué à deux reprises, au siècle dernier, par l’incapacité des peuples européens à résoudre leurs conflits millénaires autrement que par les armes. Mais peuvent aussi en surgir un nouvel équilibre, une nouvelle forme de gouvernance mondiale, une nouvelle intelligence collective dont l’humanité toute entière tirerait à terme le plus grand profit. D’où cette idée, qui paraîtra saugrenue à beaucoup, que le temps est venu de mobiliser les énergies dans les zones où le progrès matériel n’a pas encore enfermé les peuples dans des sociétés figées sur elles-mêmes, convaincues, à tort bien entendu, de leur supériorité et incapables par conséquent d’aider à faire évoluer le monde dans le bon sens. Pour dire les choses de façon encore plus claire, il nous paraît évident que c’est de l’Afrique, de l’Amérique Latine, de l’Asie du sud que peut venir aujourd’hui l’indispensable réforme de la gouvernance mondiale qui mettra fin à l’affrontement, larvé mais terriblement dangereux, des superpuissances. Enfermés comme les gladiateurs romains dans le champ clos que sont devenues les institutions comme le Conseil de sécurité des Nations unies, les « Grands » représentent à peine le tiers de l’humanité ; ils ne peuvent donc pas aider à traduire en actes concrets les aspirations des peuples dits « jeunes », qui sont en réalité tout aussi vieux qu’eux mais qui n’ont pas jusqu’à présent réussi à faire entendre leur voix dans le concert des nations. Réfléchissant il y a soixante ans sur ce qu’il appelait « le phénomène humain », un Jésuite spécialiste de l’anthropologie, le Père Teilhard de Chardin, décrivit de façon précise comment l’Homme allait franchir dans les décennies suivantes des pas décisifs dans le domaine de la connaissance. Alors que la deuxième guerre mondiale venait tout juste de se terminer, que la guerre froide débutait à peine, que de nouveaux conflits dévastateurs se profilaient à l’horizon, que le matérialisme semblait imposer universellement sa loi d’airain, il s’attacha à démontrer que l’esprit, l’intelligence, la connaissance ont toujours le dernier mot dans l’évolution de l’humanité et que, par conséquent, il importe au plus haut point d’observer, d’analyser, de comparer, de comprendre, de se projeter dans l’avenir même si celui-ci est hautement incertain. Et bien sûr il avait raison comme le prouvèrent les décennies suivantes. Ce raisonnement, de toute évidence, est plus juste que jamais. Reste à le traduire en actes. Ce ne sera certainement pas facile étant donné la très haute opinion que les « Grands » ont plus que jamais d’eux-mêmes, mais il n’est pas interdit de rêver.
Jean-Paul Pigasse Edition:Édition Quotidienne (DB) |