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Centrafrique : les Nations unies vont-elles enfin ouvrir les yeux ?

Lundi 24 Février 2014 - 0:19

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Il est possible, mais pas encore certain, que l’Organisation des Nations unies se décide à adapter les forces militaires qu’elle envoie ici et là dans le vaste monde aux terrains sur lesquels celles-ci doivent manœuvrer et aux peuples qu’il leur faut assister. C’est du moins ce qui ressort des discussions serrées qui se déroulent actuellement sur les bords de l’East River, à New York, à l’occasion du débat sur l’ampleur et la forme que prendra, dans les mois à venir, l’intervention de la communauté internationale en Centrafrique.

Mieux vaut tard que jamais, « last but non least » comme disent les Anglo-Saxons : il se pourrait qu’au final sorte de la confrontation feutrée qui oppose les dirigeants africains aux représentants des grandes puissances et plus encore aux technocrates de la « maison de verre » une série de décisions de bon sens. Au premier rang desquelles figurerait la mise sur pied d’une force militaire composée de soldats, d’officiers, de logisticiens, de spécialistes du renseignement issus du continent noir, c’est-à-dire ayant des attaches fortes avec la région du monde dans laquelle les uns et les autres seront appelés à intervenir.

Il aura fallu plus de soixante ans et de multiples échecs pour qu’un véritable débat s’instaure sur le sujet au sein de la communauté internationale. Soixante années émaillées de drames plus atroces les uns que les autres durant lesquelles, comme au Rwanda, comme en République démocratique du Congo, comme au Soudan, des sommes gigantesques ont été dépensées en pure perte pour entretenir des forces incapables par nature de s’interposer entre les belligérants. Soixante années pendant lesquelles la bureaucratie onusienne n’aura tenu aucun compte des propositions de bon sens que formulaient les dirigeants africains et qui visaient toutes à envoyer sur le terrain des Casques bleus originaires du continent. Avec les résultats désastreux que l’on sait et l’incroyable gâchis constaté dans les deux Kivu, où dix-sept mille soldats bien équipés se sont contentés de faire de la figuration tandis que leur état-major faisait continument la fête à Kinshasa.

Si les Nations unies se décident à intervenir en Centrafrique, qu’elles donnent donc les moyens nécessaires aux forces militaires qui s’y trouvent actuellement engagées. Et si elles veulent à toute force apparaître sur le devant de la scène mondiale comme de véritables acteurs de la paix, qu’elles fournissent donc des tenues, des armes, des Casques bleus, des moyens mobiles aux soldats de la Misca et de Sangaris ; qu’elles apportent simultanément les fonds nécessaires aux unités qui les composent, mais qu’elles s’abstiennent de déployer des unités étrangères au continent qui ignorent tout du terrain sur lequel elles devront intervenir et des populations qu’elles devront protéger. C’est ainsi et ainsi seulement qu’elles contribueront au retour de la paix dans une Afrique centrale que leur incompétence menace de plonger dans le chaos.

De tels propos, dira-t-on, n’ont rien de diplomatique. Certes, mais l’avantage que détiennent les observateurs sur les acteurs de la scène internationale est de pouvoir dire ou écrire ce que les politiques ne peuvent formuler sans courir le risque de provoquer une controverse publique. Le temps est manifestement venu pour la communauté internationale de prendre la pleine mesure de sa responsabilité dans la recherche de la paix en Centrafrique et ailleurs.

Puisse cette simple réflexion l’y aider en disant tout haut ce que nombre de hauts responsables africains pensent, mais s’abstiennent de formuler par crainte du scandale.

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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